Les publications sur les réseaux sociaux sont soumises à l’obligation d’accessibilité
Dossiers thématiques
Date de publication :
Studio 104 de la Maison de la Radio et de la Musique, 116 Av. du Président Kennedy
75016 PARIS
France
Cette table ronde réunissait Marine Boudeau, haute fonctionnaire en charge du handicap à la direction interministérielle du numérique (DINUM) et Fernando Pinto da Silva, vice-président de la commission accessibilité du conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).
Actuellement, seulement 4 à 5 % des sites Web français sont accessibles. En ce qui concerne les sites publics, bien que leur accessibilité soit prévue par la loi de 2005 et que tous les sites publics auraient dû être accessibles dès 2012, nous sommes encore loin du compte. En 2021, la DINUM a mené des actions de sensibilisation sur l'accessibilité numérique, en 2022, elle a organisé des ateliers de mise en conformité. Néanmoins, pour le CNCPH, les choses ne vont pas assez vite.
Une discussion avec la salle s’en est suivie et quelques exemples éloquents de sites non ou partiellement accessibles ont été soumis à madame Boudeau : impossible de faire sa déclaration de revenus dès que l’on sort des « sentiers battus » ; et que penser du site « mon espace santé », ouvert au public depuis quelques mois par le Ministère des Affaires Sociales, dont le niveau d’accessibilité est « non conforme » et qui n’a fait l’objet d’aucun audit d’accessibilité ?
Au cours de cette table ronde, les utilisateurs ont pu exprimer leur désarroi. En premier lieu, les notions de déclaration d’accessibilité, de schéma pluriannuel de mise en accessibilité et de taux de conformité sont difficiles à comprendre lorsqu’on n’y est pas familiarisé. En second lieu, les utilisateurs ne peuvent que déplorer le manque d’accessibilité des sites Web en France. L’une des intervenantes réagit sur Twitter, en espérant être lue par les responsables des sites en question. Une vive discussion a eu lieu à propos du site Doctolib : des représentants de cette société étaient présents dans la salle, ils ont accepté les critiques avec beaucoup de compréhension et se sont engagés à améliorer l’accessibilité du site.
Il s’agissait de la table ronde la plus technique de l’après-midi. Disons pour résumer qu’il est nécessaire de définir un taux de conformité au RGAA sur lequel tout le monde peut s’accorder (nombre de critères du RGAA respectés dans le site / nombre total de critères du RGAA). Un site est déclaré « non conforme » si son taux de conformité est inférieur à 50 % ; de 50 % à moins de 100 %, il est « partiellement conforme » ; il est « totalement conforme » si son taux de conformité est de 100 %.
Le RGAA est un très bon outil d’évaluation de l’accessibilité d’un site Web. Néanmoins, un site peut être « totalement conforme » et présenter des problèmes d’accessibilité. Des tests d’utilisateurs, à réaliser à partir de 100 % de taux de conformité, devraient être effectués systématiquement. Ces tests permettraient notamment de pointer les problèmes d’accessibilité pour lesquels les utilisateurs n’ont aucune solution (erreurs critiques).
Qu’en est-il d’un référentiel d’accessibilité des applications mobiles ? Il existe un référentiel édité au Luxembourg, utilisé par plusieurs acteurs en France. Il semblerait que la DINUM prépare un référentiel français.
Au Canada comme aux USA, il existe des lois au niveau fédéral et d'autres au niveau local, ce qui aboutit à des situations différentes suivant les provinces ou les états concernant l’accessibilité numérique. À la suite d'un procès pour discrimination qui a duré 3 ans avec une très forte couverture médiatique, les sites publics canadiens sont généralement accessibles et on peut signaler un problème sur chaque page d’un site.
De très nombreux procès pour discrimination ont également eu lieu aux USA, ce qui a abouti à la mise en place d’une instance de concertation. De manière générale, les sites publics américains sont accessibles. Par contre, il n’existe pas de règlementation concernant l’accessibilité des sites privés.
Au Royaume-Uni, le Royal National Institute for Blind people (RNIB) est attentif à l'accessibilité des sites web. Son slogan est « see differently ». Le gouvernement se préoccupe de l’accessibilité des sites publics depuis 2004 (beaucoup plus tôt qu’en France).
Les Pays-Bas ont adopté une approche intéressante qui consiste à publier les résultats des audits d’accessibilité des sites Web publics. Il existe 5 niveaux d'accessibilité avec un plan d'action à appliquer pour chaque niveau. Ce pays a également mis en place un système de contrôle et de suivi des défauts d'accessibilité.
Au niveau de l'Union Européenne, les états membres doivent respecter la directive de 2015 mais c'est un minimum, chaque état peut mettre en œuvre d'autres mesures. Le rapport sur le bilan de l'accessibilité dans les différents pays, prévu à la suite de la mise en œuvre de cette directive, est presque prêt (la France et Chypres ne l'ont pas encore rendu).
Enfin, au sein du consortium du Web (W3C), les utilisateurs et les associations peuvent s'affilier à un groupe de pression pour améliorer l’accessibilité du Web dans les différents pays.
Tous les participants se sont accordés à penser qu’il nous faut montrer au public comme à nos autorités politiques que les problèmes d’accessibilité du Web font partie de notre vie quotidienne ; c’est par une collaboration entre les utilisateurs, les entreprises, les associations et les pouvoirs publics que nous arriverons à régler ces problèmes.
Nous ne pouvons que nous réjouir du succès de ce colloque, en espérant qu’il sera au moins aussi réussi l’année prochaine.
Si vous voulez retrouver le programme détaillé de ce colloque avec le nom de tous les intervenants ou écouter l’enregistrement des différentes tables rondes, rendez-vous sur le site a11y Paris.
Laurence de Roquefeuil