Accessibilité numérique : quelles obligations pour les associations et les fondations ?

L'essentiel

Loi du 1er juillet 1901 (associations). Article 47 de la loi du 11 février 2005 (accessibilité).
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  • C’est un point qui avait été peu relevé, y compris par les organismes concernés : depuis la loi du 5 septembre 2018, les obligations d’accessibilité posées par l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 s’imposent à diverses associations et fondations, notamment celles agissant dans le domaine du handicap. Le présent article reprend les termes de la loi et explique quels sont les organismes concernés. Il donne également des éléments sur la démarche de mise en conformité à mener par les associations et fondations.

Rappel des termes de la loi

Texte de l’article 47

Concernant les organismes autres que les organismes publics et les entreprises privées, l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 indique

« I.-Sont accessibles aux personnes handicapées dans les conditions définies au présent article, et conformément aux exigences d'accessibilité fixées par le décret en Conseil d'Etat mentionné au V, les services de communication au public en ligne des organismes suivants :

[…]

2° Les personnes morales de droit privé délégataires d'une mission de service public, ainsi que celles créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ayant un caractère autre qu'industriel ou commercial et dont :

a) Soit l'activité est financée majoritairement par une ou plusieurs personnes mentionnées aux 1° et 3° du présent I et au présent 2° ;

b) Soit la gestion est soumise à leur contrôle ;

c) Soit plus de la moitié des membres de l'organe d'administration, de direction ou de surveillance sont désignés par elles ;

[…]

Le présent article ne s'applique pas aux services de communication au public en ligne des organismes de droit privé à but non lucratif qui ne fournissent ni des services essentiels pour le public, ni des services répondant spécifiquement aux besoins des personnes handicapées ou destinés à celles-ci. »

Il s’agit de la rédaction de l’article 47 issue de la dernière modification intervenue avec l'ordonnance n° 2023-859 du 6 septembre 2023.

S’agissant des « personnes morales de droit privé créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général », le contenu est inchangé depuis la modification intervenue le 5 septembre 2018.

Analyse du texte

Alors que pour les organismes publics et les entreprises privées, la rédaction de la loi est assez simple, il en va tout différemment pour les « personnes morales de droit privé créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général ».

Pour que l’article 47 s’applique il faut en effet :

  • respecter une condition de base, à savoir être une « personne morale de droit privé créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général » ;
  • respecter au moins une parmi trois conditions supplémentaires :
    • avoir un financement assuré majoritairement par un ou plusieurs organismes publics,
    • avoir sa gestion soumise au contrôle d’un ou plusieurs organismes publics,
    • dans son organe d'administration, de direction ou de surveillance, compter plus de la moitié de membres désignés par un ou plusieurs organismes publics ;
  • ne pas être concerné par une exception exprimée sous forme d’une double négation « Le présent article ne s'applique pas aux services de communication au public en ligne des organismes de droit privé à but non lucratif qui ne fournissent ni des services essentiels pour le public, ni des services répondant spécifiquement aux besoins des personnes handicapées ou destinés à celles-ci. ».

Être une personne morale de droit privé créée pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général

La notion d’intérêt général est utilisée dans de très nombreux textes juridiques, mais, sauf exception, ces textes ne renvoient à aucune définition précise de l’intérêt général.
Nous avons toutefois trouvé une définition précise des conditions à remplir par un organisme pour être « d’intérêt général ». Cette définition nous est fournie par l'administration fiscale dans le Bulletin officiel BOI-BIC-RICI-20-30-10-10 du 7 août 2019) qui indique : 

« L'organisme bénéficiaire des dons et versements doit être d’intérêt général. Cette condition est remplie si l'activité n'est pas lucrative, la gestion est désintéressée et si l’organisme ne fonctionne pas au profit d’un cercle restreint de personnes. »

La notion d’activité non lucrative est facile à comprendre.
L'administration fiscale fournit des informations précises sur ce qu’est une « gestion désintéressée », 

Elle fournit aussi des critères précis pour le « cercle restreint de personnes ». Tous ces critères sont à lire, mais on peut attirer l’attention sur le passage suivant :

« La circonstance qu'un organisme rassemble des personnes liées par l'appartenance à un groupe déterminé ne permet pas de présumer qu'il fonctionne au profit d'un cercle restreint de personnes, dans la mesure où cette circonstance ne préjuge pas des bénéficiaires des actions menées par cet organisme.

Lorsque le champ d'intervention de l'organisme est déterminé en fonction d'un état, par exemple de vulnérabilité, lié notamment à la santé, l'âge, le sexe, la nationalité, l'orientation sexuelle ou l'appartenance religieuse, que cet état est en lien avec l'objet de l'organisme, l'existence d'un cercle restreint n'est, en principe, pas caractérisée. Ainsi, par exemple, ne fonctionnent pas au profit d'un cercle restreint de personnes les organismes venant en aide à des personnes souffrant d'un handicap ou à des personnes victimes de discrimination à raison de leur orientation sexuelle ou de leurs convictions religieuses.

En revanche, si ses actions servent exclusivement les intérêts particuliers de ses seuls membres, l'organisme ne peut être qualifié d’intérêt général. »

Il en résulte qu’une association œuvrant au profit de personnes touchées par un handicap ne fonctionne pas au profit d’un cercle restreint de personnes dans la mesure où elle ne réserve pas ses services à ses seuls membres. Ainsi, l’association Valentin Haüy prête ses ouvrages adaptés (livres audio ou livres braille) à toutes les personnes justifiant de leur handicap visuel. Et non à ses seuls membres. Elle ne fonctionne donc pas au profit d’un cercle restreint de personnes.

Financement assuré majoritairement par un ou plusieurs organismes publics

Pour une association, il suffit d’examiner la partie « Produits par origine » du compte de résultat par origine et destination (CROD) pour voir si cette condition est remplie.

À noter que la loi dit bien « est financée majoritairement » et non « est financée à plus de 50 % » : donc, si les financements publics d’une association atteignent 40 % sans qu’aucune autre ressource (générosité du public, produits de l’activité sociale…) n’atteigne ce niveau, la condition du financement public majoritaire est remplie.

Gestion soumise au contrôle d’un ou plusieurs organismes publics

Toutes les associations ou fondations faisant appel à la générosité du public peuvent être contrôlées par la Cour des comptes (articles L111-10 et L111-11 du code des juridictions financières).

Les associations ou fondations « qui participent à l'application des législations de la sécurité sociale et de la prévoyance sociale, de la protection sanitaire et sociale, du travail, de l'emploi ou de la formation professionnelle ou qui concourent à assurer la protection sanitaire et sociale de la population » peuvent être contrôlées par l’IGAS (article 42 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996).

Les associations et fondations œuvrant au profit des personnes handicapées sont soumises à l’obligation légale d’accessibilité

Le but de cet article n’est pas de lister de manière exhaustive toutes les catégories de « personnes morales de droit privé créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d'intérêt général », mais il est néanmoins possible de tirer des conclusions simples pour les organisations œuvrant au profit des personnes handicapées.

Les associations reconnues d’utilité publique, les associations d’intérêt général et les fondations reconnues d’utilité publique agissant au service des personnes handicapées sont soumises à l’obligation légale d’accessibilité de leurs services de communication au public en ligne.

Le seul cas où elles échapperaient à cette obligation légale serait celui où elles réserveraient leurs services à leurs seuls adhérents.

Actions de mise en conformité

Ayant examiné les sites de diverses grandes associations et fondations françaises du monde du handicap, nous n’avons trouvé nulle part d’indications du fait que ces organismes se considéraient soumis à l’obligation légale d’accessibilité de leurs services de communication au public en ligne. Plusieurs d’entre eux ont néanmoins considéré qu’il s’agissait d’une obligation morale et ont fait des efforts en matière d’accessibilité.
Cette absence de conscience d’être soumis à l’obligation légale vient en grande partie de la complexité des termes de la loi, complexité exposée plus haut.
On peut ajouter que l’indigence de la rubrique « Questions fréquents » du site accessibilite.numerique.gouv.fr ne contribue pas à clarifier les choses.

Maintenant qu’il est clairement établi que de nombreuses associations et fondations œuvrant au service des personnes handicapées doivent appliquer l’article 47 de la loi de 2005, il faut que ces structures se lancent dans une démarche de mise en conformité.

En pratique, il est recommandé à ces organisations de procéder ainsi :

Se doter d’un référent accessibilité numérique

Le référent est chargé de veiller à l’adoption et à l'application des bonnes pratiques par tous les acteurs concernés de l’organisation.

Il existe des formations spécialisées pour acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de cette fonction.

Établir un schéma pluriannuel de mise en accessibilité

Les organisations peuvent se faire assister par un prestataire spécialisé dans l’accessibilité numérique pour l’établissement de ce schéma pluriannuel.

Effectuer des audits d’accessibilité

Un audit d’accessibilité doit être effectué pour chaque service de communication au public en ligne (principalement les sites Internet et les applications mobiles).

Il est conseillé de recourir à une société spécialisée ayant déjà pratiqué ce type d’audit.

Former à l’accessibilité numérique

Ces actions de formation sont une composante du schéma pluriannuel de mise en accessibilité.

Sont à former les personnels informatiques (chefs de projet, développeurs, webmestre…). En fonction des profils, compter de trois à sept jours environ.

Sont également à former les contributeurs produisant du contenu destiné à être mis en ligne sur les sites Internet (un à deux jours de formation) ou les réseaux sociaux (autoformation possible en quelques dizaines de minutes en suivant les indications du site de l’association Valentin Haüy).

Réalisation d’un site Internet ou d’une application mobile par un prestataire : prévoir une clause d’accessibilité

Pour la création ou la refonte d’un site Internet ou encore la réalisation d’une application mobile, les associations ou fondations ont souvent recours à des prestataires externes. En raison notamment d’un système de formation défaillant, l’accessibilité numérique est insuffisamment maîtrisée par la plupart des professionnels du Web.

Il faut également savoir que l’accessibilité numérique a un coût ; par rapport à un site non conforme, un site accessible sera un peu plus coûteux à la réalisation. Mais ce surcoût, réel mais limité, est à considérer comme un investissement. Il permettra à l’organisme concerné d’éviter d’avoir à payer l’amende de 25 000 € prévue en cas de non-respect des obligations déclaratives ainsi que la sanction financière pouvant atteindre 50 000 € pour les contenus non accessibles. 

Le RGAA prévoit « l’intégration de l’accessibilité numérique dans les clauses contractuelles (appels d’offres et devis) ».
Il est donc proposé aux associations et fondations d’insérer dans les contrats ou marchés passés avec des prestataires une « clause accessibilité » ayant en substance le contenu suivant :

« Le prestataire s’engage au plein respect des textes légaux et réglementaires relatifs à l’accessibilité :

En outre, le prestataire s’engage à la prise en compte formelle de la Checklist Opquast – 240 bonnes pratiques pour la qualité Web
Le respect du RGAA et la prise en compte formelle de la Checklist Opquast feront partie des tests de recette. . »

Auteur : Christian VOLLE

Vous pouvez réagir à cet article en envoyant un courriel à accessibilitenumerique@avh.asso.fr

Suivez le pôle accessibilité numérique de l’association Valentin Haüy sur Twitter : @accnumVH