Services de communication au public en ligne : l‘incroyable écart entre la définition de la loi et celle du RGAA

L'essentiel

Extrait du RGAA avec citation erronée de l’article premier de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. L’extrait est recouvert du tampon « FAUX »
  • Date de publication :
  • Mots-clés :
  • L’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 instaure l’obligation d’accessibilité des services de communication au public en ligne et donne une définition très large de ces services de communication au public en ligne. Le RGAA ne prend pas en compte cette définition et restreint de manière sensible la portée de l’obligation posée par la loi ; le RGAA exclut à tort les courriels de l’obligation d’accessibilité. Cet article décrit cette approche restrictive du RGAA et propose des mesures correctrices.

Les textes

Article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005

Texte de l’article 47

« II.- L'accessibilité des services de communication au public en ligne concerne l'accès à tout type d'information sous forme numérique, quels que soient le moyen d'accès, les contenus et le mode de consultation, en particulier les sites internet, intranet, extranet, les applications mobiles, les progiciels et le mobilier urbain numérique pour sa partie applicative et interactive. »

Commentaire de l’article 47

L’article 47 donne une définition à la fois précise et large de l’accessibilité des services de communication au public en ligne. Les termes « en particulier les sites internet, intranet, extranet, les applications mobiles, les progiciels et le mobilier urbain numérique pour sa partie applicative et interactive » ne sont là que pour donner des exemples.
En partant de la définition générale, on constate que correspondent également à la définition d’autres types d’accès à des informations sous forme numérique, notamment les courriels ou encore les publications sur les réseaux sociaux.

RGAA

Texte du RGAA

Le RGAA (Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité) indique :

« Les services de communication au public en ligne sont définis comme toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère d’une correspondance privée (article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique). Conformément au II de l’article 47 de la loi du 11 février 2005 précitée, ils comprennent notamment :

  • les sites internet, intranet, extranet ; les progiciels, dès lors qu’ils constituent des applications utilisées au travers d’un navigateur web ou d’une application mobile ;
  • les applications mobiles qui sont définies comme tout logiciel d’application conçu et développé en vue d’être utilisé sur des appareils mobiles, tels que des téléphones intelligents (smartphones) et des tablettes, hors système d’exploitation ou matériel ;
  • le mobilier urbain numérique, pour leur partie applicative ou interactive, hors système d’exploitation ou matériel. »

Commentaires sur le texte du RGAA

Alors qu’il est un texte d’application de l’article 47, le RGAA ne retient pas la définition des services de communication au public en ligne fournie par loi du 11 février 2005, le RGAA s’en détourne et retient une définition sensiblement différente qu’il prétend tirée de l’article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004.

Or, en consultant cet article, on constate que son contenu diffère largement de ce qui est mentionné dans le RGAA.
L’article 1er de la loi de 2004 indique en effet :

« On entend par communication au public par voie électronique toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée.
On entend par communication au public en ligne toute transmission, sur demande individuelle, de données numériques n'ayant pas un caractère de correspondance privée, par un procédé de communication électronique permettant un échange réciproque d'informations entre l'émetteur et le récepteur. » 

On voit que le texte produit par le RGAA est un mélange des dispositions de l’article 1er de loi de 2005 relatives à la « communication au public par voie électronique » et de celles relatives à la « communication au public en ligne ».

Au-delà de cette mention injustifiée et incorrecte de l’article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, la formulation retenue par le RGAA a pour conséquence de restreindre considérablement le champ d’application de l’article 47 de la loi de 2005.
En effet, l’introduction des termes « qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée » conduit à exclure de l’obligation d’accessibilité les courriels émis par les organismes publics et privés concernés par l’article 47.
Or chacun peut constater que, très souvent, les courriels émis par ces organismes sont entachés de défauts d’accessibilité très pénalisants tels que des images non décrites ou des contrastes de couleurs insuffisants.

Par ailleurs, pour les progiciels, le RGAA introduit une restriction importante « les progiciels, dès lors qu’ils constituent des applications utilisées au travers d’un navigateur web ou d’une application mobile ».
Cette restriction est tout à fait contraire aux dispositions de la loi qui mentionne clairement « l'accès à tout type d'information sous forme numérique, quels que soient le moyen d'accès, les contenus et le mode de consultation ».
Certes aujourd’hui, une majorité de progiciels sont utilisés via une interface web, mais il existe toujours un nombre significatif de progiciels auxquels on accède via d’autres types d’interface.

Proposition de mesures correctrices

Il a clairement été établi ci-dessus que le RGAA comporte des dispositions contraires à l’article 47 de la loi de 2005, tendant à restreindre la portée de celle-ci.
La hiérarchie des normes fait que la loi prévaut sur le RGAA qui a été instauré par arrêté.
Mais dans un souci de lisibilité et de bonne compréhension par tous, il est indispensable que le RGAA soit rapidement modifié pour être rendu pleinement conforme à la loi.

Nouvelle rédaction proposée pour la fin du paragraphe « contenus concernés »

La partie du paragraphe « contenus concernés » commençant par « ne sont pas concernés… » et se terminant par «  hors système d’exploitation ou matériel. » est à remplacer par :

« Ne sont pas concernés les services de communication au public en ligne des organismes de droit privé à but non lucratif qui ne fournissent ni des services essentiels pour le public, ni des services répondant spécifiquement aux besoins des personnes handicapées ou destinés à celles-ci. Conformément au II de l’article 47 de la loi du 11 février 2005, « l'accessibilité des services de communication au public en ligne concerne l'accès à tout type d'information sous forme numérique, quels que soient le moyen d'accès, les contenus et le mode de consultation, en particulier les sites internet, intranet, extranet, les applications mobiles, les progiciels et le mobilier urbain numérique pour sa partie applicative et interactive. »

Les applications mobiles sont définies comme tout logiciel d’application conçu et développé en vue d’être utilisé sur des appareils mobiles, tels que des téléphones intelligents (smartphones) et des tablettes, hors système d’exploitation ou matériel.
Le mobilier urbain numérique est concerné pour sa partie applicative ou interactive, hors système d’exploitation ou matériel.

Correspondent également à la définition des services de communication au public en ligne fournie par le II de l’article 47 de la loi du 11 février 2005 :

  • les courriels ;
  • les publications faites sur les réseaux sociaux, dans la mesure où les éditeurs de ces réseaux sociaux mettent à disposition de leurs utilisateurs des fonctions d’accessibilité. »

Au-delà de la meilleure prise en compte de la définition des services de communication au public en ligne fournie par la loi, cette nouvelle rédaction supprime l’anomalie constituée par le maintien de la mention « Ne sont pas concernés les services de communication au public en ligne des fournisseurs de services de médias audiovisuels », mention devenue caduque le .11 mars 2023

Méthode technique de vérification de la conformité à la norme de référence des courriels et des publications sur les réseaux sociaux

Le RGAA devra proposer une méthode technique de vérification de la conformité à la norme de référence des courriels et des publications sur les réseaux sociaux.
En attendant l’élaboration de cette méthode technique, il pourra y avoir renvoi à la norme de référence EN 301-549 V2.1.2.

Auteur : Christian VOLLE

Vous pouvez réagir à cet article en envoyant un courriel à accessibilitenumerique@avh.asso.fr

Suivez le pôle accessibilité numérique de l’association Valentin Haüy sur Twitter : @accnumVH