L'essentiel
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- Il existe en France diverses institutions prestigieuses qui, dans leurs domaines respectifs, ont pour mission de veiller à la bonne application de la loi. On pourrait donc s’attendre de leur part à une conduite exemplaire passant par une stricte observance de toutes les lois. Ce n’est malheureusement pas le cas en ce qui concerne l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 relatif à l‘accessibilité des services de communication au public en ligne. Après un rappel des textes applicables, ce premier article décrit le cas du Conseil constitutionnel. Un deuxième article sera consacré au Conseil d’État et à la Cour des comptes et conclura sur la nécessité d’une action énergique de la part des pouvoirs publics.
Rappel des textes de référence
Dans sa version initiale, l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 indiquait :
« Les services de communication publique en ligne des services de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapées. »
Le premier décret d’application n’a été publié qu’en mai 2009. Il fixait un délai de deux ans pour la mise en accessibilité des services de communication au public en ligne de l’État et des établissements publics qui en dépendent.
C’est donc dès mai 2011 que les services de communication au public en ligne du Conseil constitutionnel et des deux institutions objet du prochain article auraient dû être rendus accessibles.
Le cadre légal et réglementaire a évolué avec une modification de la loi en septembre 2018 et la publication d’un nouveau décret en juillet 2019.
Ce nouveau cadre légal et réglementaire est désormais fixé par :
- l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ;
- le décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019 relatif à l'accessibilité aux personnes handicapées des services de communication au public en ligne ;
- l’arrêté du 20 septembre 2019 portant référentiel général d'amélioration de l'accessibilité (RGAA).
Au-delà de la mise en accessibilité des contenus, les organismes publics ont pour obligation, dans des conditions précisées par le RGAA 4, de publier sur leur site :
- en page d’accueil une des mentions « accessibilité : totalement conforme », « accessibilité : partiellement conforme » ou « accessibilité : non conforme »,
- une déclaration d’accessibilité détaillée,
- un schéma pluriannuel de mise en accessibilité d’une durée maximum de trois ans,
- le plan d’action de l’année en cours.
À propos des services de communication au public en ligne, le RGAA 4 (Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité version 4) précise :
« Les services de communication au public en ligne sont définis comme toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère d’une correspondance privée. »
Il résulte de cette définition très large que sont concernés, non seulement les sites web, mais aussi les publications faites sur les réseaux sociaux.
Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel communique notamment via le site conseil-constitutionnel.fr mais aussi via les publications faites sur les réseaux sociaux, par exemple depuis @Conseil_constit (Twitter), Conseil constitutionnel (Facebook).
Défauts d’accessibilité constatés le 5 avril 2022 sur le site conseil-constitutionnel.fr
Au terme d’une évaluation rapide et donc probablement très partielle, qui ne saurait remplacer un audit complet à effectuer par une société spécialisée, divers défauts d’accessibilité ont été relevés :
Structure des pages – utilisation inappropriée des titres
Le RGAA comporte un critère 9.1 « Dans chaque page web, l’information est-elle structurée par l’utilisation appropriée de titres ? ».
L’examen de la page La Constitution montre qu’elle a la structuration suivante :
Des titres h2 viennent à la suite de titres h3, ce qui est incohérent.
Cette mauvaise utilisation des balises hn, empêche les personnes déficientes visuelles utilisant un lecteur d’écran de prendre connaissance rapidement de la structure des pages Web.
Contrastes de couleurs insuffisants
Le RGAA comporte un critère 3.2 « Dans chaque page web, les couleurs utilisées dans les composants d’interface ou les éléments graphiques porteurs d’informations sont-elles suffisamment contrastées (hors cas particuliers) ? »
Sur la page d’accueil, ce critère n’est pas respecté puisque le contraste n’est parfois que de 2,8 alors que le minimum exigé est de 4,5 (3,0 pour les gros caractères).
Vidéos non accessibles
Le RGAA comporte un critère 4.1 : « Chaque média temporel pré-enregistré a-t-il, si nécessaire, une transcription textuelle ou une audiodescription (hors cas particuliers) ? » et un critère 4.3 « Chaque média temporel synchronisé pré-enregistré a-t-il, si nécessaire, des sous-titres synchronisés (hors cas particuliers) ?
Cette condition n’est absolument pas remplie par la vidéo Point de presse de M. Laurent Fabius : déroulement de l'élection présidentielle et présentation du nouveau site internet « Présidentielle 2022 » qui ne dispose ni de sous-titres ni d’une transcription textuelle.
Les personnes sourdes ou malentendantes sont totalement privées de l’information utile.
Liens à l’intitulé non explicite
Le RGAA 4 comporte un critère 6.1 : « Chaque lien est-il explicite (hors cas particuliers) ? »
Ce critère n’est pas respecté par la page d’accueil qui comporte qui comporte des symboles graphiques « précédent » et suivant » étiquetés « previous » et « next ».
Une personne déficiente visuelle naviguant au clavier et utilisant son lecteur d’écran n’aura aucune information utile.
Lisibilité du texte lors de l’agrandissement des caractères
Le RGAA 4 comporte un critère 10.4 : « Dans chaque page web, le texte reste-t-il lisible lorsque la taille des caractères est augmentée jusqu’à 200%, au moins (hors cas particuliers) ? »
Ce critère n’est pas respecté par la page d’accueil où il y a une perte de lisibilité lors de l’agrandissement des caractères à 200 %.
Défauts d’accessibilité des publications sur les réseaux sociaux
Les tweets émis par @Conseil_constit comportent souvent des images porteuses d’information. On constate que ces images ne font pas l’objet d’un texte alternatif.
C’est notamment le cas d’un tweet du 1er avril 2022 relatif à la Décision n° 2022-986.
En l’absence de texte alternatif, les personnes déficientes visuelles utilisant un lecteur d’écran sont privées de l’information portée par l’image.
Dans ce contexte particulier, le Conseil constitutionnel aurait dû soit mettre une alternative textuelle correspondant au texte visible sur l’image, soit indiquer « image décorative »
Le tweet du 7 mars relatif à l’annonce par Laurent Fabius de la liste des candidats à l’élection présidentielle comporte une vidéo non sous-titrée, donc inaccessible aux personnes sourdes ou malentendantes.
Les publications faites sur Facebook comportent également des images porteuses d’information dépourvues de texte de remplacement.
C’est par exemple le cas de la publication du 1er avril 2022 relative à la Décision n° 2022-986.
Manquements aux obligations déclaratives en matière d’accessibilité
Les manquements suivants ont été relevés pour le site conseil-constitutionnel.fr (constats effectués le 5 avril 2022) :
- absence en page d’accueil de la mention de l’état d’accessibilité (« totalement conforme », « partiellement conforme » ou « non conforme ») ;
- absence totale de déclaration d’accessibilité pour le site ; le lien Accessibilité présent en page d’accueil envoie sur une page « FAQ » où l’accessibilité est brièvement évoquée, mais avec une référence au « Référentiel général d’accessibilité des administrations » alors que depuis le 23 septembre 2019 ce référentiel a disparu pour laisser place au Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité (RGAA) ;
- absence de schéma pluriannuel de mise en accessibilité ;
- absence de plan d’action de l’année en cours.
Demandes faites au Conseil constitutionnel
Le 5 avril 2022, nous avons signalé au Conseil constitutionnel les défauts d’accessibilité mentionnés ci-dessus, ainsi que les manquements aux obligations déclaratives.
Compte tenu de l’exemplarité dont doit selon nous faire preuve une institution aussi prestigieuse que le Conseil constitutionnel, nous lui avons suggéré d’entreprendre au plus tôt des actions de mise en conformité.
Respect des obligations déclaratives
À très brève échéance, c'est-à-dire avant fin avril 2022, nous avons indiqué que le Conseil constitutionnel devait :
- publier en page d’accueil la mention « Accessibilité : non conforme » ;
- créer une page accessibilité indiquant notamment :
- « le Conseil constitutionnel s’engage à rendre son site Internet accessible conformément à l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005,
- aucun audit n’ayant encore été réalisé, le site est en état de non‑conformité au RGAA,
- le Conseil constitutionnel s’engage à faire procéder dans les meilleurs délais à un audit d’accessibilité à l’issue duquel il publiera une déclaration d’accessibilité conforme au RGAA,
- l’article 11 de la loi de février 2005 prévoit « La personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap, quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie » ; en conséquence, si vous ne pouvez prendre connaissance d’informations en raison de défauts d’accessibilité, contacter le Conseil constitutionnel par envoi d’un courriel à communication-presse@conseil-constitutionnel.fr ; le Conseil constitutionnel s’engage à vous transmettre l’information sous forme accessible dans un délai raisonnable » ;
- lancer un audit d’accessibilité avec le concours d’une société spécialisée ;
- lancer l’élaboration d’un schéma pluriannuel de mise en accessibilité.
Nous avons indiqué que, une fois que l’audit d’accessibilité aura été réalisé, le Conseil constitutionnel devra publier une déclaration d’accessibilité conforme aux exigences du RGAA.
Mise en accessibilité des services de communication au public en ligne
Site Internet conseil-constitutionnel.fr
Le Conseil constitutionnel ne peut évidemment pas régler tous les défauts d’accessibilité en un bref laps de temps.
Ce qui est primordial, c’est qu’il veille à la bonne accessibilité de toutes les nouvelles mises en ligne d’informations.
Publications sur les réseaux sociaux
Pour les réseaux sociaux, les choses sont en revanche extrêmement simples et la mise en accessibilité des publications sur les réseaux sociaux peut être faite dans les jours suivant la réception du présent document.
Nous avons indiqué au Conseil constitutionnel qu’il est très facile de rendre accessibles les images porteuses d’information publiées sur les réseaux sociaux. Il suffit de mettre en œuvre les possibilités mises à disposition du grand public par les éditeurs des réseaux sociaux.
Toutes les informations utiles sont disponibles à la rubrique « réseaux sociaux » du site de l’association Valentin Haüy.
Aucune compétence technique n’est nécessaire. L’apprentissage du mode opératoire ne dépasse pas dix minutes et, pour chaque image publiée sur un réseau social, l’ajout d’une description textuelle ne prend pas plus d’une minute.
En conséquence, nous avons demandé au Conseil constitutionnel de rendre accessibles ses nouvelles publications sur les réseaux sociaux dès le courant du mois d’avril 2022.
Réaction très insuffisante du Conseil constitutionnel
Le 5 avril, soit le jour même de notre envoi, le Conseil constitutionnel nous a envoyé l’accusé de réception suivant :
« Nous avons bien pris note de vos observations et de vos demandes.
Le Conseil constitutionnel est attentif aux enjeux d’accessibilité et s’est donné pour objectif d’améliorer continûment son offre numérique à cet égard. Un examen de cette offre sera d’ailleurs prochainement engagée en ce sens afin de programmer les évolutions qui apparaîtront nécessaires. Votre message nous sera dans ce cadre très utile et nous vous en remercions. »
Au 4 mai, nous n’avons reçu aucune autre réponse précise. Il s’agit là d’un non-respect de la réglementation par le Conseil constitutionnel puisque le RGAA prévoit :
« L’organisme concerné répond à toute réclamation dans un délai d’une semaine à compte de sa date d’envoi. Si la réclamation de l’utilisateur soulève une ou plusieurs questions complexes justifiant un délai d’examen plus long, la réponse indique un délai raisonnable pour la réponse définitive. Le caractère complexe des questions soulevées doit être dûment motivé. »
Nous avons constaté une évolution positive concernant les vidéos : celles relatives à l’annonce des résultats du premier tour et du second tour de l’élection présidentielle ont été sous-titrées. En revanche d’autres vidéos récentes, comme celle du 19 avril 2022 sont toujours inaccessibles car dépourvues de sous-titres et de transcription textuelle.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel n’a mené aucune des actions possibles à court terme que nous lui avions suggérées :
- pas de mention en page d’accueil, pas de page accessibilité annonçant une démarche de mise en conformité ;
- pas de mise en accessibilité des publications sur les réseaux sociaux.
Il est rappelé que la charge de travail représentée par ces actions est tout à fait minime.
Auteur : Christian VOLLE
Vous pouvez réagir à cet article en envoyant un courriel à accessibilitenumerique@avh.asso.fr
Suivez le pôle accessibilité numérique de l’association Valentin Haüy sur Twitter : @accnumVH