L'essentiel
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- Lors de l’édition 2022 d’A11y Paris, une partie des échanges d’une table ronde a été consacrée au sujet des exemptions et des dérogations. Malheureusement, compte tenu de la richesse des autres thèmes à aborder, le temps consacré aux exemptions et dérogations s’est trouvé limité. Le présent article revient donc sur le sujet : les dispositions du RGAA sont rappelées ; les erreurs d’application sont décrites et, pour conclure, est mentionné ce qui est attendu des divers acteurs (organismes soumis à l’obligation d’accessibilité, sociétés spécialisées en accessibilité numérique, DINUM, Gouvernement et Parlement).
Exemptions « contenus de tiers »
Reprenant les dispositions de l’article 3 du décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019, le RGAA prévoit que certains contenus sont exemptés de l’obligation d’accessibilité et se situent hors champ de l’obligation légale.
Huit cas d’exemption sont ainsi prévus, mais seul le cas n° 5 « contenus de tiers » pose problème par son invocation parfois injustifiée.
Rappel des dispositions du RGAA
Le RGAA (référentiel général d'amélioration de l'accessibilité) prévoit que
« sont exemptés de l’obligation d’accessibilité […] Les contenus de tiers qui ne sont ni financés ni développés par l’organisme concerné
et qui ne sont pas sous son contrôle »
Les conditions « ni financés ni développés […] et qui ne sont pas sous son contrôle » concernent les contenus, pas les tiers.
Erreurs d’application
Les erreurs d’application que nous avons constatées sont de deux ordres.
D’une part, certains ne tiennent pas compte de la condition « ni financés » puisqu’ils n’hésitent pas à invoquer l’exemption pour des composants logiciels acquis à titre onéreux auprès de tiers. Notons qu’il est indiqué « financés » et non « intégralement financés » et que la condition s’applique aux composants logiciels qu’un tiers vend à un grand nombre de clients.
D’autre part, il n’est parfois pas tenu compte correctement de la condition « qui ne sont pas sous son contrôle ».
Certains semblent en effet avoir une vision trop réductrice de la notion de contrôle.
Celle-ci ne se limite pas à la seule capacité technique et/ou juridique à modifier un contenu non accessible. Elle inclut en premier lieu la capacité à accepter ou refuser la présence d’un contenu inaccessible sur le site.
Chaque fois qu’un organisme a la possibilité de décider de la présence ou de l’absence d’un contenu sur son site, ce contenu est « sous son contrôle ».
Il n’est donc pas admissible qu’un organisme choisisse d’incorporer dans son site des composants non accessibles et ensuite se prévale d’une exemption pour « contenu de tiers » pour gonfler indûment son taux de conformité au RGAA.
Pour ceux qui auraient des doutes
Bien que très concise, la formulation du RGAA ne laisse en principe pas de possibilité d’erreur d’interprétation au lecteur attentif.
Pour ceux qui auraient des doutes à ce sujet, il est utile de se reporter au considérant 30 de la directive européenne de 2016. Sa lecture montre que ne sont pas concernés par l’exemption les contenus insérés par le personnel ou les prestataires de l’organisme.
Autre point à considérer, le passage du RGAA relatif au contenu du schéma pluriannuel de mise en accessibilité :
« [le schéma pluriannuel contient des informations sur] l’intégration de l’accessibilité numérique dans les clauses contractuelles (appels d’offres et devis), des critères de notation et de sélection des prestataires et les procédures de recette et, le cas échéant, dans les conventions établies avec leurs opérateurs, délégataires ou partenaires. »
Bien que la rédaction souffre d’imperfections sur la forme, sur le fond, les choses sont claires : tout ce qui est acquis auprès de tiers, biens matériels ou immatériels, services, doit être accessible. La rédaction est telle que l'application de ces dispositions ne se limite d’ailleurs pas aux seules acquisitions faites à titre onéreux ; les acquisitions à titre gratuit (composants open source par exemple) sont aussi concernées puisqu’elles donnent le plus souvent lieu à un engagement de l’acquéreur assimilable aux « conventions » mentionnées dans le RGAA.
Puisque les acquisitions de biens et de services doivent se faire en prenant en compte l’accessibilité numérique, il serait totalement incohérent d’acquérir (à titre onéreux ou à titre grâcieux) des composants inaccessibles et ensuite revendiquer pour ceux-ci une exemption « contenus de tiers ».
Élément encore plus fondamental, rappelé par une experte en accessibilité lors de A11y Paris 2022 (vers 2.25.20 sur la vidéo) : les besoins des personnes en situation de handicap. Pour une personne en situation de handicap, ce qui compte c’est l’accessibilité ou l’inaccessibilité d’un contenu. Si on a une approche centrée utilisateur, peu importe que le contenu inaccessible ait été fait maison ou qu’il vienne d’ailleurs. Donc, l’exemption de contenus de tiers dont la présence est sous le contrôle de l’organisme n’a pas de sens.
Exemples d’exemptions injustifiées
Gestionnaire de cookies Tarte au citron
Le gestionnaire de cookies Tarte au citron est utilisé sur de nombreux sites publics et privés.
Dans de nombreuses déclarations d’accessibilité, est invoquée l’exemption « contenu tiers » pour Tarte au citron (parfois il est fait usage à tort du terme « dérogation » plutôt que d’exemption).
C’est notamment le cas des sites suivants :
Le choix de Tarte au citron n’était nullement une contrainte pour ces organismes. Ils disposaient d’autres possibilités. Donc la présence de ce composant sur leur site est pleinement « sous leur contrôle ».
De deux choses l’une : quand ces organismes ont choisi Tarte au citron, soit ils ne sont pas souciés de son accessibilité, ce qui est une erreur, soit ils ont constaté ce défaut d’accessibilité et ils l’ont choisi quand même. Quelle que soit l’hypothèse retenue, invoquer l’exemption pour « contenu de tiers » en pareil cas est totalement injustifié.
C’est même doublement injustifié pour ceux des organismes qui ont choisi la version payante de Tarte au citron, puisqu’à la non-prise en compte de la condition « qui ne sont pas sous son contrôle » du RGAA, ils ajoutent le non-respect de la condition « ni financés ».
Exemptions invoquées par le ministère de l’Économie et des Finances
Les exemptions « contenus de tiers » mentionnées sur la page accessibilité du site du ministère de l’Économie et des Finances montrent à quel niveau d’aberration on peut parvenir.
Est notamment invoquée une exemption pour « le chatbot de la page entreprises, développé par plusieurs entités publiques. »
Ainsi, alors que pris individuellement les organismes sont tenus d’assurer l’accessibilité des contenus qu’ils mettent en ligne, il suffirait qu’ils s’y mettent à plusieurs pour que les contenus inaccessibles qu’ils produisent soient considérés comme tout à fait acceptables. De qui se moque-t-on ?
L’exemption « contenus de tiers » est également invoquée pour « le tableau de bord virtuel de la page soutien aux entreprises, développé par la DINUM ».
À cette occasion, on découvre que la DINUM, dépositaire du RGAA, qui « accompagne les ministères dans leur transformation numérique, conseille le gouvernement et développe des services et ressources partagées » produit un composant ne respectant pas le b-a ba de l’accessibilité, à savoir le respect des contrastes de couleurs. Sur onze contrastes de couleurs, neuf sont non conformes !
Le ministère de l’Économie et des Finances avait toute latitude soit d’afficher ces montants autrement que par un recours au composant défectueux de la DINUM, soit de demander à la DINUM de rendre son composant accessible.
L’invocation de l’exemption « contenu de tiers » est donc un abus manifeste.
Dérogation pour charge disproportionnée
Rappel des dispositions du RGAA
À propos de la dérogation pour charge disproportionnée, le RGAA indique :
« Les exigences légales en matière d’accessibilité sont mises en œuvre dans la mesure où elles ne créent pas une charge disproportionnée pour l’organisme concerné. La charge disproportionnée est une dérogation invocable, au cas par cas, pour une fonctionnalité ou un contenu.
La charge disproportionnée peut être invoquée lorsqu’il est raisonnablement impossible à l’organisme de rendre un contenu ou une fonctionnalité accessible, notamment dans le cas où la mise en accessibilité compromettrait la capacité de l’organisme à remplir sa mission de service public ou à réaliser ses objectifs économiques.
Les contenus ou les fonctionnalités qui ne sont pas rendus accessibles en raison d’une dérogation pour charge disproportionnée sont accompagnés d’une alternative permettant à l’utilisateur d’accéder à des contenus ou fonctionnalités équivalentes, tant que la production de cette alternative ne constitue pas elle-même une charge disproportionnée. »
Le RGAA ajoute que la dérogation pour charge disproportionnée doit être justifiée :
« Afin de déterminer l’existence d’une telle charge, l’organisme concerné tient compte notamment des circonstances suivantes :
- la taille, les ressources et la nature de l’organisme concerné ; et
- l’estimation des coûts et des avantages pour l’organisme concerné par rapport à l’avantage estimé pour les personnes handicapées, compte tenu de la fréquence et de la durée d’utilisation du service, ainsi que de l’importance du service rendu. »
La dérogation pour charge disproportionnée n’exempte pas l’entité de produire une déclaration d’accessibilité. Les contenus et les fonctionnalités non accessibles à ce titre sont listés dans la déclaration d’accessibilité du service en ligne concerné avec la justification de la dérogation, sa durée et l’indication, le cas échéant, d’une alternative accessible. »
Commentaire
La dérogation pour charge disproportionnée est la transcription au domaine de l’accessibilité de l’adage « à l’impossible nul n’est tenu ».
Il est normal qu’un tel type de dérogation soit prévu. Encore faut-il que les conditions posées par le RGAA pour l’invocation de cette dérogation soit correctement respectée. Or c’est loin d’être le cas.
Existe-t-il une seule déclaration d’accessibilité avec une justification correcte de la dérogation pour charge disproportionnée ?
Nous avons examiné de nombreuses déclarations d’accessibilité. Nous n’en avons trouvé aucune comportant une justification de la dérogation pour charge disproportionnée conforme au RGAA.
Nous n’avons trouvé que des justifications lapidaires, voire désinvoltes, du type :
- « Le site xxxx propose de nombreux contenus inaccessibles qui pour différentes raisons ne peuvent pas être repris et corrigés » (Brest, Accor, Tessi, Légifrance…) ;
- « Le site yyy propose de nombreux PDF inaccessibles qui pour différentes raisons ne peuvent pas être intégralement repris et corrigés. » (ministère de la Transformation et de la Fonction publiques) ;
- « Les anciens contenus éditoriaux (PDF et contenus web) repris sur le site sont dérogés pour charge disproportionnée. » (handicap.gouv.fr).
À noter que des entreprises privées ont adopté les mauvaises pratiques de certains organismes publics.
Existe-t-il une seule, déclaration d’accessibilité mentionnant une alternative accessible en cas de dérogation pour charge disproportionnée ?
Nous n’avons vu aucune déclaration d’accessibilité mentionnant une alternative accessible en cas de charge disproportionnée.
Une exception à ce constat : showroomprive.com indique
« DÉROGATIONS POUR CHARGE DISPROPORTIONNÉE :
Le Site propose de nombreux contenus inaccessibles qui pour différentes raisons ne peuvent pas être repris et corrigés.
La solution Facil’ity a été mise en place comme alternative : formulaire de contact ».
Toutefois, cette indication est dénuée de sérieux : le RGAA indique clairement que l’alternative est un contenu différent du contenu non accessible initial. Or, aux dires mêmes de FACIL’iti, l’outil n’agit pas sur le contenu, mais uniquement sur l’affichage à l’écran.
À la lecture précise du RGAA, cette absence (ou en tout cas cette grande rareté) de mention d’alternatives accessibles dans les déclarations d’accessibilité ne paraît pas forcément illogique.
En effet, les alternatives accessibles concernent essentiellement les médias audio ou vidéo ainsi que les documents bureautiques (critères 4.1, 4.2 et 13.3 du RGAA).
Si des médias ou des documents non accessibles ont une alternative accessible, la rédaction des tests du RGAA est telle que les critères correspondants sont respectés. Dans ces conditions, on comprend que les organismes n’éprouvent pas le besoin d’expliquer que les contenus inaccessibles initiaux sont accompagnés d’une alternative textuelle accessible.
À partir du moment où les personnes en situation de handicap disposent de l’information via l’alternative accessible, cette absence d’explication ne pose absolument pas problème.
Soustraction indue des contenus dérogés à l’évaluation de la conformité
Rappel des dispositions du RGAA
À propos du test des pages, le RGAA indique :
« Il existe 3 raisons pour qu’un critère ne soit pas applicable à une page :
[…]
3 Le critère concerne un contenu soumis à dérogation pour charge disproportionnée qui est accompagné d’une alternative numérique accessible. Par exemple, un tableau statistique avec des graphiques qui propose une alternative numérique en texte. Dans ce cas les critères applicables au contenu soumis à dérogation seront non applicables. A noter : si le contenu soumis à dérogation pour charge disproportionnée ne propose pas d’alternative numérique accessible, les critères concernant ce contenu sont considérés comme applicables. »
Ces dispositions se retrouvent dans le modèle de grille d’audit RGAA :
« Un critère peut prendre 4 statuts différents :
- C : CONFORME. Le critère est conforme pour l'ensemble des éléments de la page
- NC : NON CONFORME. Au moins un des éléments de la page concernés par le critère n'est pas conforme
- NA : NON APPLICABLE. Ou bien aucun élément dans la page ne concerne le critère, ou bien le seul contenu qui concerne le critère est exempté, ou bien le seul contenu qui concerne le critère est soumis à dérogation et il propose une alternative numérique accessible.
- NT : NON TESTÉ. Le critère n'est pas testé. Ce statut sert à mesurer l'évolution de l'audit. »
Le RGAA est donc parfaitement clair :
- l’absence d’alternative numérique accessible pour un contenu dérogé entraîne l’application des critères ;
- peu importe que l’absence d’alternative numérique accessible soit elle-même liée à une charge disproportionnée.
Erreur souvent constatée
Pour les contenus dérogés, contrairement à ce que prévoit le RGAA, dans certains audits et certaines déclarations d’accessibilité, des critères sont considérés comme non applicables, voire comme conformes.
De nombreux organismes gonflent ainsi indûment leur taux de conformité.
À noter que, fort heureusement, tous les organismes ne procèdent pas ainsi. Par exemple, pour le site ameli.fr, la dérogation pour charge disproportionnée est certes mal justifiée, mais la grille d’audit montre que pour les pdf concernés par cette dérogation, le critère 13.3 a été correctement coté « non conforme ».
Des approches parfois très originales de la charge disproportionnée
Telle que prévue par le RGAA, la charge disproportionnée ne peut être invoquée que « pour une fonctionnalité ou un contenu ».
Certains organismes ont eu une approche beaucoup extensive de la charge disproportionnée.
TotalÉnergies
TotalÉnergies fait preuve d’une grande créativité en invoquant la charge disproportionnée pour la réalisation de l’audit de chacun de ses sites :
« L’usine à sites a fait l’objet d’un travail approfondi de mise en accessibilité, ce qui signifie que la structure de tous les sites conçus à partir de cette usine à sites a le même niveau d’accessibilité que le démonstrateur. La réalisation d’un audit de conformité RGAA pour chacun des 194 sites créés (et d’autres à venir) à partir de l’usine à sites entraînerait une charge disproportionnée. »
En procédant de la sorte, TotalÉnergies ne tient pas compte des prescriptions du RGAA relatives à l’échantillon. Il n’est en aucun cas question que les pages de l’échantillon viennent d’un site autre que celui faisant l’objet de l’audit.
Nous avons signalé le problème à TotalÉnergies. Des évolutions positives ont été enregistrées sur certains sites comme services.totalenergies.fr qui affiche désormais « Accessibilité : non conforme » en page d’accueil et annonce la réalisation prochaine d’un audit en page accessibilité. La mention fautive est néanmoins encore présente sur un nombre significatif de sites.
Ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées
La déclaration d’accessibilité du site handicap.gouv.fr ne respecte pas le RGAA sur plusieurs points :
- échantillon non représentatif ;
- exemptions « contenus tiers » non justifiées ;
- invocation non justifiée de la dérogation pour charge disproportionnée
- soustraction des contenus dérogés à l’évaluation de la conformité ;
- …
Ces diverses entorses au RGAA permettent au ministère chargé des personnes handicapées d’afficher un taux de conformité de 100 % qui ne correspond absolument pas à la réalité (un recalcul par nos soins aboutit à un taux de 81,6 %).
Nous avons interpellé en janvier 2022 ce qui était alors le secrétariat d’État chargé des personnes handicapées sur ces divers points et notamment sur l’absence de justification de l’invocation de la dérogation pour charge disproportionnée.
Le 1er mars, dans sa réponse, le secrétariat d’État nous a indiqué :
« Dérogation pour charge disproportionnée :
Ce travail de recensement et de qualification afin de pouvoir indiquer la charge et le délai constitue en lui-même un travail qui n’est pas négligeable pour notre structure. Il est en cours et nous mettrons à jour la déclaration lorsque nous aurons ces informations. »
Même si l’expression n’a pas été littéralement utilisée, on perçoit bien que le secrétariat d’État était à deux doigts de dire que la justification de charge disproportionnée, représentait elle-même une charge disproportionnée…
Notons que la déclaration d’accessibilité date du 28 septembre 2021 et que, huit mois plus tard, cette justification n’a toujours pas été apportée.
Ce qui est attendu des divers acteurs
Cette mauvaise application des dispositions du RGAA relatives aux exemptions « contenus de tiers » et à la dérogation pour charge disproportionnée permet aux organismes concernés de s’exonérer de la mise en accessibilité des contenus correspondants et ce sont les personnes en situation de handicap qui en subissent les conséquences négatives.
Le constat global qui est fait est que, plutôt que soigner la fièvre, certains organismes préfèrent bricoler le thermomètre.
Une évolution des comportements est donc attendue de la part des divers acteurs concernés.
Organismes soumis à l’obligation d’accessibilité
Il est attendu que les organismes publics et privés ne cherchent plus à s’affranchir des règles du RGAA en gonflant leur taux de conformité grâce à des exemptions et des dérogations non justifiées.
Il vaut mieux un taux de conformité 80 % obtenu de manière sincère qu’un taux de conformité de 100 % issu de divers arrangements pris avec le RGAA.
Les organismes qui ont invoqué à tort des exemptions alors qu’ils font usage de « contenu de tiers » qui sont sous leur contrôle sont invités à mettre ces contenus en accessibilité. Cela peut passer soit par une action auprès du tiers auteur du contenu, soit par la recherche d’une autre solution.
En attendant cette mise en accessibilité, la déclaration d’accessibilité doit être modifiée avec la suppression des exemptions indues et la correction du taux de conformité.
Ces actions sur la déclaration d’accessibilité et le taux de conformité doivent aussi être menées lorsque des contenus dérogés pour charge disproportionnée et dépourvus d’alternative accessible ont été soustraits à l’évaluation du taux de conformité.
Sociétés spécialisées en accessibilité numérique
De ce que nous pouvons en juger, il ressort que les audits effectués par les sociétés spécialisées en accessibilité numérique sont très rigoureux en ce qui concerne l'application des 106 critères techniques du RGAA.
En revanche, dans certains cas, il s’avère qu’il est fait une application très élastique, pour ne pas dire laxiste, des dispositions du RGAA relatives aux exemptions pour contenus de tiers et de la dérogation pour charge disproportionnée.
Nous invitons donc les auditeurs à relire soigneusement ces dispositions et à les appliquer avec la rigueur qui convient.
DINUM
Lors de la trop brève partie des échanges de A11y Paris 2022 consacrée aux exemptions et dérogations, des représentants de sociétés spécialisées en accessibilité numérique réputées pour leur sérieux ont exprimé des positions différentes sur le sujet.
Ce n’est évidemment pas satisfaisant puisque cela conduit à des calculs différents des taux de conformité.
En diverses occasions, l’attention de la DINUM avait déjà été attirée sur ce sujet, que ce soit par des des professionnels de l’accessibilité ou par nous-mêmes.
Lors de A11y Paris 2022 (vers 2.20.26 sur la vidéo), le représentant de la DINUM a indiqué de manière surprenante qu’il ne voyait pas de problème à propos des exemptions et des dérogations.
La DINUM est donc à nouveau invitée à apporter les précisions nécessaires en vue de l’indispensable homogénéisation des pratiques.
Ces précisions doivent notamment porter sur les points suivants :
- l’exemption 5 « contenus de tiers » ne concerne que les « vrais tiers », autres que les personnels ou prestataires de l’organisme ; cette exemption ne s’applique pas, entre autres, à des composants tels que des gestionnaires de cookies, de formulaires, de chat…
- en cas d’invocation de la dérogation pour charge disproportionnée, d’une part l’organisme doit fournir une justification conforme aux exigences du RGAA, d’autre part, en l’absence d’alternative accessible, les contenus dérogés doivent impérativement se voir appliquer les critères du RGAA.
Gouvernement - Parlement
Cette application incorrecte des dispositions du RGAA relatives aux exemptions « contenus de tiers » et à la dérogation pour charge disproportionnée a déjà été signalée dans le passé.
Mais l’on constate qu’à l'occasion de nouvelles déclarations d’accessibilité, des organismes poursuivent dans les mêmes errements.
Ils le font hélas en toute impunité faute d’un dispositif adapté de contrôle et de sanction.
La loi actuelle prévoit en principe de sanctionner le défaut de déclaration d’accessibilité, mais la rédaction est telle qu’il n’est pas certain que la rédaction adoptée permette de sanctionner des déclarations d’accessibilité établies d’une manière non conforme au RGAA.
De toute façon, le ministère chargé des personnes handicapées s’est montré totalement défaillant dans l’exercice de la mission que lui avait confiée la loi en matière d’application des sanctions administratives.
La France devait normalement transposer en droit interne, d’ici le 28 juin 2022 pour une effectivité au 28 juin 2025, l’Acte législatif européen sur l’accessibilité. Il est désormais vraisemblable que l’échéance du 28 juin 2022 ne sera pas respectée, mais il est indispensable que, même retardée de quelques mois mais avec respect de l’échéance de 2025, cette transposition soit l'occasion de l’adoption de mesures fortes.
Nous renvoyons à cet égard aux douze propositions formulées par l’association Valentin Haüy dans son plaidoyer pour l’accessibilité numérique.
Parmi ces douze propositions, trois permettront de lutter efficacement contre les abus liés aux exemptions et aux dérogations :
- mettre en place une autorité de contrôle et de sanction dotée de moyens pour agir ;
- durcir les sanctions encourues pour non-déclaration d’accessibilité ou déclaration non conforme ;
- sanctionner de manière spécifique le défaut d’accessibilité numérique.
À voir ou à lire sur le même sujet
Lors de A11y Paris2022 le thème des exemptions et des dérogations a été abordé lors d’une des tables rondes.
Les échanges liés à ce sujet peuvent être retrouvés sur la vidéo à partir de 2.17.01.
Par ailleurs, l’association Valentin Haüy avait déjà soulevé le sujet de l’usage indu des exemptions « contenus de tiers » et de la dérogation pour charge disproportionnée dans la série d’articles Petits et gros arrangements avec le RGAA publiée en juillet 2021.
Auteur : Christian VOLLE
Vous pouvez réagir à cet article en envoyant un courriel à accessibilitenumerique@avh.asso.fr
Suivez le pôle accessibilité numérique de l’association Valentin Haüy sur Twitter : @accnumVH