Schéma pluriannuel de mise en accessibilité : besoin d’adapter le cadre réglementaire

L'essentiel

Schéma pluriannuel  de mise en accessibilité
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  • L’obligation d’établir un schéma pluriannuel de mise en accessibilité des services de communication au public en ligne a été introduite dans la loi en octobre 2016, mais n’a pris de consistance qu’avec l’arrêté du 20 septembre 2019 portant création de la version 4 du référentiel général d'amélioration de l'accessibilité (RGAA 4). À l’époque, en matière d’accessibilité numérique, le seul texte législatif de référence était l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005. Depuis, les obligations se sont élargies avec l’article 16 de la loi no 2023-171 du 9 mars 2023 qui transpose en droit français la directive européenne 2019/882 du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services. Bien que censé « présente[r] la politique de l’entité concernée en matière d’accessibilité numérique », les prescriptions de ce schéma pluriannuel se limitent en fait aux seuls services de communication au public en ligne et excluent les services visés par l’article 16 de la loi no 2023-171 du 9 mars 2023. L’objet du présent article est d’exposer en détail le problème et de proposer des adaptations du cadre réglementaire et, en attendant celles-ci, une évolution des pratiques des organismes concernés et des sociétés spécialisées en accessibilité numérique.

Principaux impacts de l’article 16 de la loi no 2023-171 du 9 mars 2023

L’essentiel des textes

L’article 16 de la loi no 2023-171 du 9 mars 2023 transpose en droit français la directive européenne 2019/882 du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services.

Il s’agit d’une avancée notable en matière d’accessibilité, pour peu que les textes soient effectivement appliqués.
Les organismes publics et les grandes entreprises privées entrant dans le champ d’application de l’article 47 de la loi 2005 voient potentiellement leurs obligations sensiblement accrues puisque sont désormais concernés les services suivants :

  • services de communications électroniques ;
  • services fournissant un accès à des services de médias audiovisuels ;
  • pour les services de transport de personnes, les éléments suivants :
    • sites internet,
    • services intégrés sur appareils mobiles, y compris les applications mobiles,
    • billets électroniques et services de billetterie électronique,
    • fourniture d’informations sur les services de transport, notamment d’informations en temps réel sur le voyage,
    • terminaux en libre-service interactifs situés sur le territoire de l’Union (avec quelques exceptions) ;
  • services bancaires aux consommateurs ;
  • livres numériques et logiciels spécialisés ;
  • commerce électronique.

L’élargissement des obligations d’accessibilité pour les organismes publics et privés

Les services de communications électroniques, les services fournissant un accès à des services de médias audiovisuels, les services bancaires aux consommateurs et les livres numériques et logiciels spécialisés concernent un nombre relativement limité d’organismes.

En revanche, de nombreux organismes publics ont une activité relevant du commerce électronique, par exemple, pour les communes la vente de tickets de cantine ou de tickets de piscine. De nombreuses entreprises privées vendent en ligne des biens ou des services compagnies d’assurances, mutuelles, opérateurs téléphoniques, organes de presse…
Un nombre significatif de collectivités territoriales gèrent directement des services de transport dans le cadre de régies.

Quels nouveaux éléments doivent être rendus accessibles ?

Avec la réglementation relative aux seuls services de communication au public en ligne, l’obligation d’accessibilité ne s’appliquait qu’à des éléments tels que les sites Internet, les applications mobiles et les publications sur les réseaux sociaux. 

Le RGAA précise :

« Les services de communication au public en ligne sont définis comme toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère d’une correspondance privée ».

Cette rédaction exclut les courriels envoyés par les organismes puisque ceux‑ci ont le caractère d’une correspondance privée.

Pour les services visés par l’article 16 de la loi no 2023-171 du 9 mars 2023, le contexte est différent : les courriels envoyés dans le cadre du service doivent être accessibles.
D’un point de vue technique, les dispositions à prendre pour l’accessibilité des courriels ne diffèrent guère de celles concernant les sites Internet. Pour être accessible, il suffit en effet qu’un courriel, considéré comme une page web, respecte 100 % des critères du RGAA.

Le cadre actuel du schéma pluriannuel de mise en accessibilité

Rappel des textes

Le III de l’article 47 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 indique :

« III.-Les personnes mentionnées au I publient une déclaration d'accessibilité et élaborent un schéma pluriannuel de mise en accessibilité de leurs services de communication au public en ligne, qui est rendu public et décliné en plans d'actions annuels, et dont la durée ne peut être supérieure à trois ans. » 

À propos du schéma pluriannuel, le RGAA indique : 

« […] le schéma pluriannuel, d’une durée maximum de trois ans, présente la politique de l’entité concernée en matière d’accessibilité numérique. »

Mais le RGAA précise que le schéma pluriannuel est établi « en application du III de l’article 47 ». il indique également qu’il s’agit de « mettre en œuvre les obligations d’accessibilité des services de communication au public en ligne ».
Même si le RGAA prévoit que le schéma pluriannuel puisse comporter des mesures d’accessibilité non obligatoires, les textes le cantonnent strictement aux seuls services de communication au public en ligne.

L'évolution nécessaire du cadre réglementaire

Il y a désormais deux séries de textes imposant des obligations relatives à l’accessibilité numérique aux organismes publics et privés.
Compte tenu du fait que ces organismes ne sont pas très avancés en la matière, avec souvent l’ignorance de l’existence même de la problématique d’accessibilité, une démarche de planification annuelle pour la mise en accessibilité est tout à fait pertinente. Mais, alors que les techniques à mettre en œuvre et les compétences à mobiliser sont les mêmes, il serait incohérent que cette démarche de planification ne soit prévue que pour les seuls services de communication au public en ligne.
C’est pourquoi une adaptation du cadre réglementaire s’avère nécessaire.

Version minimaliste

Dans une approche minimaliste, la loi et ses textes d’application devraient être modifiés pour indiquer que lorsqu’un organisme soumis à l’article 47 de la loi de 2005 entre également dans le champ d’application de l’article 16 de la loi no 2023-171 du 9 mars 2023, le schéma pluriannuel de mise en accessibilité doit également porter sur la mise en accessibilité des services mentionnés à l’article D412-50 du code de la consommation. La modification du RGAA doit notamment porter sur le fait que les courriels émis dans le cadre des services visés à l’article D412-50 doivent être accessibles.

Version étendue 

Une version étendue pourrait consister à mieux prendre en compte les besoins des personnes handicapées en posant une obligation systématique d’accessibilité des courriels.
Dans cette approche, la loi devrait être modifiée en indiquant, d’une part, que les organismes soumis à l’article 47 de la loi de 2005 doivent rendre accessibles tous leurs courriels, d’autre part que s’ils entrent aussi dans le champ d’application de l’article 16 de la loi no 2023-171 du 9 mars 2023, le schéma pluriannuel de mise en accessibilité doit également porter sur la mise en accessibilité des services mentionnés à l’article D412-50 du code de la consommation.
La modification du RGAA doit notamment porter sur le fait que tous les courriels émis doivent être accessibles.

Les adaptations souhaitées des pratiques des organismes et des sociétés spécialisées en accessibilité numérique

La modification des textes, notamment de la loi, risque de prendre un certain temps.
Cependant, puisqu’il s’agit de mesures de bonne gestion, les organisations publiques et privées peuvent les prendre dès maintenant, sans y être contraintes par des obligations légales.

À cet égard, les sociétés spécialisées en accessibilité numérique qui jouent un rôle de conseil important auprès des organismes publics et des entreprises privées, notamment lors de l’élaboration des schémas pluriannuels de mise en accessibilité, feraient grandement progresser l’accessibilité en invitant ces organismes et ces entreprises à :

  • inclure dans leur schéma pluriannuel de mise en accessibilité les services mentionnés à l’article D412-50 du code de la consommation
  • rendre accessibles tous les courriels qu’ils émettent.

Par ailleurs, dans le cadre de la réglementation déjà en vigueur, les sociétés spécialisées en accessibilité numérique devraient conseiller à leurs clients d’inclure dans leurs schémas pluriannuels la mise en accessibilité de leurs publications sur les réseaux sociaux.

Auteur : Christian VOLLE

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