L'essentiel
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- Les organismes publics et privés recourent de plus en plus aux réseaux sociaux Sauf rares exceptions, les publications sur les réseaux sociaux présentent des défauts d’accessibilité. C’est d'autant plus insatisfaisant qu’il est très facile de rendre accessibles ces publications, aucune compétence technique n’étant nécessaire puisqu’il s’agit de recourir à des fonctionnalités « grand public ». L’inaccessibilité d’un tweet, d’une publication Facebook ou LinkedIn est certes moins pénalisante que l’impossibilité d’accomplir une démarche sur un site web en raison d’un CAPTCHA image dépourvu d’alternative ; cela n’en demeure pas moins une inadmissible discrimination envers des personnes en situation de handicap.
Rappel des textes de référence
Loi n° 2005-102 du 11 février 2005
L’article 47 de la loi précise :
« L'accessibilité des services de communication au public en ligne concerne l'accès à tout type d'information sous forme numérique, quels que soient le moyen d'accès, les contenus et le mode de consultation, en particulier les sites internet, intranet, extranet, les applications mobiles, les progiciels et le mobilier urbain numérique »
RGAA 4
À propos des services de communication au public en ligne, le RGAA 4 (Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité version 4) précise :
« Les services de communication au public en ligne sont définis comme toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère d’une correspondance privée (article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique). Conformément au II de l’article 47 de la loi du 11 février 2005 précitée, ils comprennent notamment :
- les sites internet, intranet, extranet ; les progiciels, dès lors qu’ils constituent des applications utilisées au travers d’un navigateur web ou d’une application mobile ;
- les applications mobiles qui sont définies comme tout logiciel d’application conçu et développé en vue d’être utilisé sur des appareils mobiles, tels que des téléphones intelligents (smartphones) et des tablettes, hors système d’exploitation ou matériel ;
- le mobilier urbain numérique, pour leur partie applicative ou interactive, hors système d’exploitation ou matériel ».
Les définitions données tant par la loi de 2005 que par le RGAA incluent sans contestation possible la communication faite sur les réseaux sociaux comme faisant partie des services de communication au public en ligne soumis à l’obligation d’accessibilité.
Le guide d’accompagnement du RGAA 3 2017 précisait explicitement que les contenus publiés sur les réseaux sociaux devaient être accessibles.
De manière regrettable, cette précision n’a, à ce jour, pas accompagné le RGAA 4.
Charte d'accessibilité de la communication de l’État
En mars 2021, le Premier ministre a fait mettre en ligne sur gouvernement.fr une charte d'accessibilité de la communication de l'État.
Entre autres dispositions, cette charte (dont le contenu est au demeurant très perfectible) insiste sur la nécessité de rendre accessibles les publications faites sur les réseaux sociaux.
Mise à jour de décembre 2024 : une nouvelle version de la charte, beaucoup plus aboutie, a été mise en ligne en septembre 2022.
Conséquences des textes
Les définitions données tant par la loi de 2005 que par le RGAA incluent sans contestation possible la communication faite sur les réseaux sociaux comme faisant partie des services de communication au public en ligne soumis à l’obligation d’accessibilité.
En conséquence, en l’état actuel de la réglementation, l’utilisation des réseaux sociaux doit faire l’objet d’une déclaration d’accessibilité par chaque entité qui y recourt. La mise en accessibilité des publications faites sur les réseaux sociaux devrait aussi être mentionnée dans les schémas pluriannuels de mise en accessibilité.
À ce sujet, il convient de balayer l’argument avancé par certains selon lequel il appartiendrait aux gestionnaires de plateformes de réseaux sociaux (Twitter, Facebook, LinkedIn…) de publier ces déclarations d’accessibilité. Cela n’aurait pas plus de sens que de prétendre que c’est à OVH de publier les déclarations d’accessibilité des divers sites Web qu’il héberge.
En quoi consiste l’accessibilité sur les réseaux sociaux ?
Nous traitons ici principalement de Twitter, Facebook et LinkedIn, mais le propos s’applique aux autres réseaux sociaux.
Pour être plus percutantes, les publications sur les réseaux sociaux s’accompagnent souvent d’images ou de vidéos.
Il faut donc que ces images et ces vidéos soient accessibles.
Accessibilité des images
Les images doivent être dotées d’une alternative textuelle. Dans le cas des images-textes, le contraste entre la couleur du texte et celle de l’arrière-plan doit être suffisant.
Alternative textuelle (description des images)
Twitter, Facebook et LinkedIn permettent d’ajouter une description pour les images publiées. Sur Facebook et LinkedIn l’expression utilisée est « texte alternatif », sur Twitter « description ».
Sur LinkedIn, la taille est limitée à 300 caractères ; sur Twitter, à 1000 caractères. Sur Facebook, aucune limite n’est indiquée et nous avons pu saisir un texte alternatif de 2000 caractères.
Mise à jour de décembre 2024 : sur LinkedIn, la limite est désormais de 1000caractères.
En matière d’alternative textuelle, le RGAA précise que, dans le cas des images purement décoratives, cette alternative textuelle doit être vide (attribut alt="").
En l’état actuel, ni Twitter, ni Facebook, ni LinkedIn ne permettent de signaler qu’une image est purement décorative. Pour compenser cette lacune, il est donc recommandé d’indiquer « image décorative ».
Étant donné que Twitter, Facebook et LinkedIn ne donnent guère de possibilités de mise en forme du texte des publications, beaucoup d'utilisateurs utilisent des « images-textes » dont le contenu informationnel reprend tout ou partie du texte de la publication. Dans ce cas-là aussi, on peut renseigner le texte alternatif avec « image décorative ».
Contrastes de couleurs
Lorsqu’il est fait usage d’une image-texte, le contraste de couleurs doit être suffisant sinon, les personnes malvoyantes qui utilisent leur vision résiduelle ne pourront accéder à l’information.
Ainsi, le tweet des vœux 2002 de la Défenseure des droits, en plus d’une absence de description de l’image se caractérisait par un contraste de couleurs tout à fait insuffisant (1,4 alors qu’un minimum de 3,0 est exigé pour les gros caractères).
Il est facile de vérifier le contraste de couleurs avec un outil du type Colour Contrast Analyser.
Vidéos
Les vidéos peuvent poser des problèmes d’accessibilité pour deux catégories de personnes en situation de handicap :
- les personnes déficientes visuelles pour les informations purement visuelles (scènes d’action ou affichage de textes et de chiffres) ;
- les personnes sourdes ou malentendantes pour les informations véhiculées par la voix.
L’audiodescription des vidéos permet de les rendre accessibles aux personnes déficientes visuelles.
Le sous-titrage les rend accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes.
Il existe également une solution simple pouvant convenir aux deux catégories : la fourniture d’une transcription textuelle de la vidéo reprenant les propos tenus et, le cas échéant, la description des informations purement visuelles de la vidéo. Le lien vers une page Internet contenant cette description textuelle doit figurer dans le texte de la publication.
Accessibilité du texte des tweets
L’utilisation normale de Twitter aboutit à des textes de tweet sans artifices de mise en forme (pas de gras, d’italique, de souligné…).
Il existe des outils du type YaY Text permettant de mettre du texte en gras et/ou italique et de modifier la police. Attention toutefois : ce qui est généré, ce n’est pas du texte, mais des symboles graphiques non reconnus par les lecteurs d’écran.
Le recours à ce type de mise en forme est à proscrire absolument.
Pour mettre une partie de texte en évidence, il faut recourir à une image-texte et lui donner un texte alternatif.
Rendre accessibles les publications faites sur les réseaux sociaux est très facile
Mettre en accessibilité un site Internet peut nécessiter un travail important de plusieurs mois.
Les choses sont tout à fait différentes en ce qui concerne les réseaux sociaux. Pour décrire les images, ll suffit en effet de mettre en œuvre les possibilités mises à disposition du grand public par les éditeurs des réseaux sociaux.
Toutes les informations utiles sont disponibles à la rubrique « réseaux sociaux » du site de l’association Valentin Haüy.
Aucune compétence technique n’est nécessaire. L’apprentissage du mode opératoire ne dépasse pas dix minutes et, pour chaque image publiée sur un réseau social, l’ajout d’une description textuelle ne prend pas plus d’une minute.
Il est toutefois souhaitable que les personnes en charge des publications sur les réseaux sociaux aient fait l’objet au préalable d’une sensibilisation à l’accessibilité numérique, ce qui est l’affaire de deux heures environ.
Pratiques actuelles
Organismes publics
Parmi les organismes publics qui sont soumis à la loi de 2005, ceux qui rendent accessibles leurs publications sur les réseaux sociaux sont très peu nombreux.
Nous n’avons trouvé aucune déclaration d’accessibilité relative à l’utilisation des réseaux sociaux.
Nous avons consulté de nombreux schémas pluriannuels de mise en accessibilité ; nous n’en avons trouvé aucun mentionnant les réseaux sociaux parmi les services de communication au public en ligne à rendre accessibles. Les actions de formation et de sensibilisation n’évoquent pas le sujet.
Plusieurs catégories d’organismes peuvent être distinguées en ce qui concerne l’accessibilité des publications faites sur les réseaux sociaux.
Très mauvais élèves
Sont considérés comme de très mauvais élèves les organismes qui ne décrivent pratiquement jamais les images jointes à leurs publications sur les réseaux sociaux.
Leur nombre est considérable ; nous ne citerons donc ci-après que quelques organismes particulièrement emblématiques.
Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance (MEFR)
Le MEFR est un des ministères les plus importants. Il compte six ministres ou secrétaires d’État. Aucun d’entre eux ne décrit les images jointes à ses tweets. C’est notamment le cas de Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique à qui nous avons maintes fois signalé ce manquement aux règles.
À quelques exceptions près (évoquées à la section « bons élèves »), la plupart des comptes ministériels, à commencer par @Economie_Gouv, ne décrivent pas les images.
Nous ferons une mention spéciale pour France Num qui, non contente de ne pas décrire ses images, a plusieurs fois paramétré ses tweets de manière à nous interdire d’y répondre pour signaler le défaut.
Ministère de la Transformation et de la Fonction publiques (MTFP)
Le MTFP est notamment chargé de la numérisation de 250 démarches essentielles à la vie quotidienne des Français, ce qui implique la prise en compte de l’accessibilité numérique.
La ministre ne donne pas un bon exemple puisque malgré divers signalements que nous avons effectués, les images jointes à ses tweets ne sont jamais décrites.
Autres organismes publics
Le gouvernement compte seize ministres de plein exercice. Au total, quinze ne décrivent pas les images jointes à leurs tweets.
Seul fait exception le ministère des Solidarités et de la Santé qui, depuis peu, décrit par intermittence les images de ses tweets.
À ces ministères, il faudrait ajouter des centaines voire des milliers de comptes d’organismes publics qui ne se préoccupent pas de l’accessibilité des publications qu’ils font sur les réseaux sociaux.
Intermittents de la description
Nous qualifions d’intermittents de la description les organismes qui ne décrivent qu’occasionnellement les images jointes à leurs publications sur les réseaux sociaux.
Le Service d’information du gouvernement (SIG) gère le compte @gouvernementFR. Bien que ce soit le SIG qui ait élaboré la Charte d'accessibilité de la communication de l’État qui prévoit la mise en accessibilité des publications faites sur les réseaux sociaux, les images des tweets de @gouvernementFR ne sont décrites que par intermittence.
Le ministère des Solidarités et de la Santé (MSS @Sante_Gouv) est le seul ministère de plein exercice qui décrit certaines des images de ces tweets. Il semblerait que le MSS considère comme inutile de fournir une alternative textuelle lorsque l’information de l’image figure déjà dans le texte du tweet. C’est une erreur car seules les personnes voyantes peuvent percevoir cette redondance. Dans ce cas, il faut indiquer « image décorative »
Le Conseil national du numérique (@CNNum) a longtemps décrit les images jointes à ses tweets. Depuis quelques mois, cela n’arrive plus que de manière très occasionnelle.
La Direction interministérielle de la transformation publique (@_DITP) a une approche variée de l’intermittence. Dans certains cas, elle décrit l’image jointe à un tweet, dans d’autres pas. Mais il arrive aussi que cette intermittence se manifeste à l’intérieur d’un même tweet. Ainsi, pour ce tweet relatif au recrutement d’un contrôleur de gestion, une seule des deux images est décrite, ce qui prive les personnes déficientes visuelles de la description de la mission.
Parmi les candidats à l’élection présidentielle, Yannick JADOT et Emmanuel MACRON ont procédé par intermittence à la description de leurs tweets.
Mal-décrivants
Nous avons inventé ce néologisme pour décrire les organismes qui fournissent une description textuelle pour les images qu’ils publient sur les réseaux sociaux, mais qui la formulent parfois de manière inadaptée.
Nous prendrons l’exemple du Conseil d‘État.
Le 3 mars 2022, le Conseil d’État a publié un tweet relatif au recrutement d’un(e) chargé(e) de communication.
L’image accompagnant le tweet donne une description détaillée du poste ainsi que des savoir-faire requis et de l’expérience demandée. Au lieu de restituer l’intégralité de cette information dans la description de l’image, le Conseil d’État a simplement indiqué « descriptif d’une offre d’emploi de chargé/chargée de communication ». Les personnes déficientes visuelles sont ainsi privées de l’information utile qui tient largement dans les 1000 caractères mis à disposition.
D’autres tweets du Conseil d’État souffrent du même défaut.
Bons élèves
Sous l’appellation « bons élèves » nous citons des organismes qui décrivent assez régulièrement les images jointes aux publications qu’ils font sur les réseaux sociaux.
L’appréciation « bons élèves » ne concerne que cet aspect, mais pas le respect de l'ensemble de la réglementation relative à l’accessibilité. En effet, certains des organismes cités pèchent tant par l’inaccessibilité de certains contenus de leurs sites web que par le non-respect des obligations déclaratives relatives à l’accessibilité.
Parmi les organismes cités ci-dessous à titre d’exemple, la plupart ont entrepris d’ajouter une description à leurs images après avoir été interpellés à ce sujet par l’association Valentin Haüy :
- Direction générale des Finances publiques @dgfip_officiel (fait exception dans la galaxie du MEFR en décrivant les images de nombre de ses tweets)
- Mission InterMin. Numérique Écoresponsable @Mi_NumEco_Gouv
- ANSSI @ANSSI_FR
- Assurance maladie @Assur_Maladie
- Cour des comptes @Courdescomptes Mise à jour de décembre 2024 : la Cour des comptes a cessé de décrire les images de ses tweets et a rejoint le groupe des mauvais élèves.
- DINUM @_DINUM Mise à jour de décembre 2024 : le compte X (Twitter) de la DINUM est désormais @Numerique_Gouv
- Haute Autorité pour la transparence de la vie publique @HATVP
- Secrétariat d'État chargé du Handicap @handicap_gouv (il est précisé que la description des images de ses tweets ne saurait faire oublier la totale passivité du Secrétariat d'État qui ne joue pas le rôle que lui a assigné la loi pour faire respecter la réglementation relative à l’accessibilité numérique).
Sociétés privées
Parmi les sociétés privées soumises à la loi de 2005, la proportion de celles qui rendent accessibles leurs publications sur les réseaux sociaux est extrêmement faible.
Gestionnaires des plateformes de réseaux sociaux
Twitter, Facebook et LinkedIn permettent très facilement d’ajouter une alternative textuelle à une image. La limitation à 300 caractères du texte alternatif imposée par LinkedIn peut parfois poser problème.
La véritable lacune, commune aux trois réseaux sociaux, est qu’un utilisateur peut publier une image sans qu’à aucun moment son attention soit attirée sur le fait que l’absence de texte alternatif va pénaliser les personnes déficientes visuelles. Étant donné que la culture accessibilité numérique est très limitée, cela explique que seule une proportion infinitésimale des images publiées soient dotées d’une alternative textuelle.
DINUM
La DINUM est dépositaire du RGAA et elle est censée mettre à disposition les ressources liées à sa mise en application.
Alors même que les publications sur les réseaux sociaux entrent incontestablement dans le champ des services de communication au public en ligne soumis à l’obligation d’accessibilité, la DINUM s’est abstenue de le mentionner explicitement. À l'occasion du passage au RGAA 4, elle n’a pas reconduit les indications qui figuraient dans le guide d’accompagnement du RGAA 3 2017.
Bien que son attention ait été maintes fois attirée sur le sujet depuis juillet 2021, la DINUM n’a rien fait ; elle ne nous a même pas répondu.
Cela explique la persistance d’aussi nombreuses publications sur les réseaux sociaux présentant des défauts d’accessibilité.
Service d’information du gouvernement (SIG)
Le SIG a publié en mars 2021 la charte d'accessibilité de la communication de l'État qui prévoit notamment que les publications sur les réseaux sociaux doivent être rendues accessibles avec, notamment, une description des images.
Mais si cette charte est un document pétri de louables intentions, sa rédaction est très médiocre : elle ne donne aucune indication pratique, par exemple sous forme de lien vers une ressource externe, sur la manière de procéder pour rendre ces publications accessibles.
Mise à jour de décembre 2024 : une nouvelle version de la charte, beaucoup plus aboutie, a été mise en ligne en septembre 2022.
En outre, le SIG, dont la mission est notamment de piloter et coordonner au niveau interministériel la communication gouvernementale, semble ne s’être absolument pas soucié du respect de la charte par les ministères. En effet quinze ministères sur seize ne décrivent pas les images de leur publication. Pour ses propres publications, le SIG lui-même n’applique qu’épisodiquement la charte.
Sociétés spécialisées en accessibilité numérique
Lorsqu’elles conseillent les organismes publics et privés, les sociétés spécialisées en accessibilité numérique semblent ne pas inciter leurs clients à mentionner les réseaux sociaux parmi les services de communication au public en ligne à rendre accessibles.
L’examen de dizaines de schémas pluriannuels de mise en accessibilité montre qu’ils ont une définition du champ de la politique d’accessibilité plus restreinte que ce que prévoit le RGAA.
De nombreux schémas pluriannuels de mise en accessibilité comportent en effet un passage du type :
« L’accessibilité numérique est au cœur des préoccupations liées au développement ou à la mise à disposition de sites web ou d’applications tant auprès du public que des personnels internes au [nom_organisme] »
La politique d’accessibilité numérique est explicitement restreinte aux seuls sites web et applications.
Le 30 novembre 2021, trois sociétés spécialisées jouissant d’une grande notoriété dans le domaine de l’accessibilité numérique, ont organisé une conférence consacrée au schéma pluriannuel de mise en accessibilité avec la participation de divers organismes publics. Le visionnage de la vidéo de cette conférence est recommandé à tous compte tenu de de la richesse du contenu.
Toutefois, sur le point particulier des réseaux sociaux, la présentation faite le 30 novembre par un intervenant d’une des trois sociétés exclut de fait les réseaux sociaux du périmètre des services à rendre accessibles en donnant une liste fermée.
À aucun moment les représentants des trois sociétés spécialisées en accessibilité numérique n’ont évoqué les recours au réseaux sociaux comme devant être mentionnés dans le schéma pluriannuel de mise en accessibilité.
Seule la représentante de la Direction de l’information légale et administrative (DILA) a évoqué les réseaux sociaux avec annonce d’actions de sensibilisation au premier trimestre 2022 des personnes qui les alimentent. Mais le schéma pluriannuel de mise en accessibilité de la DILA ainsi que les plans annuels 2020 et 2021 n’évoquent pas le sujet ; au 20 avril 2022, le plan d’actions 2022 n’était pas en ligne.
Les tweets émis par @DILA_officiel, @servicepublicfr et @viepubliquefr ne comportent pas de description des images.
De la même manière, les schémas pluriannuels de mise en accessibilité des autres organismes présents (SIG, ADEME et ANTS) ne mentionnent pas les réseaux sociaux.
Le fait que le problème de l’accessibilité des réseaux sociaux ne soit pas identifié conduit à ce qu’il ne soit pas traité, alors même que la solution est très simple.
Ce qui est attendu des divers acteurs
Organismes publics et privés
Les organismes publics et privés relevant de l’article 47 de la loi de 2005 doivent impérativement veiller à l’accessibilité des publications qu’ils font sur les réseaux sociaux. À cette fin, ils doivent sensibiliser leurs collaborateurs concernés à l’accessibilité numérique et leur mettre à disposition des indications relatives au mode opératoire.
Gestionnaires des plateformes de réseaux sociaux
Compte tenu du fait que la plupart des utilisateurs qui publient des images sur les réseaux sociaux n’ont pas la moindre notion de ce qu’est l’accessibilité numérique, ils n’ont pas idée de recourir aux fonctionnalités de description d’image, pourtant très simple à mettre en œuvre.
Il est donc nécessaire que les gestionnaires des plateformes, mettent en œuvre des procédures plus incitatives et plus didactiques.
À titre d’exemple, en novembre 2020, nous avions fait la proposition suivante à Twitter (@TwitterA11y et @arhayward) :
« Rendre obligatoire pour chaque image le choix entre l’indication « image décorative » et saisie d’une description textuelle
Il est proposé de remédier aux deux défauts mentionnés ci-dessus en rendant obligatoire pour chaque image :
- soit l’indication (par une case à cocher par exemple) du fait que l’image est purement décorative ; le code restitué devra permettre que l’image soit ignorée par les technologies d’assistance (code html alt="") ;
- soit la saisie d’une description textuelle de 1000 caractères maximum.
Il convient de revoir les textes d’aide en conséquence en précisant notamment que si toutes les informations portées par une image sont déjà présentes dans le texte du tweet, l’image peut être considérée comme décorative. »
La demande complète est téléchargeable en anglais (Word, 345 ko) et en français (Word, 376 ko).
En dépit de plusieurs relances, nous n’avons reçu aucune réponse de Twitter. Malgré cela, nous continuons à croire à la pertinence de cette approche et nous considérons que tous les gestionnaires de plateformes de réseaux sociaux devraient agir en ce sens.
DINUM
En tant que gestionnaire du RGAA, il nous apparaît indispensable que la DINUM mentionne clairement dans le référentiel lui-même et dans ses documents d’accompagnement que l’utilisation d’un réseau social pour diffuser des informations est constitutive d’un « service de communication au public en ligne » soumis aux observations d’accessibilité
Au-delà de la mise en accessibilité des publications, cela implique que les organismes publient une déclaration d’accessibilité spécifique pour ce type de service.
L’association Valentin Haüy (AVH) ayant fait le choix d’une approche constructive, elle ne se contente pas de pointer des problèmes ; quand elle le peut, elle propose des solutions.
En janvier 2022, nous avons donc communiqué à la DINUM deux documents : Éléments pour une déclaration d’accessibilité simplifiée liée à l’usage des réseaux sociaux (Word, 311 ko) et Modèle de déclaration d’accessibilité des publications sur les réseaux sociaux (Word, 46 ko) ???
Nous sommes dans l’attente d’une réponse de la DINUM.
Service d’information du gouvernement (SIG)
Il est indispensable que le SIG revoit la charte d'accessibilité de la communication de l'État en l’expurgeant de ses erreurs et en la rendant plus opérationnelle. Pour ce faire, elle peut utiliser les propositions que nous lui avions envoyées dès avril 2021 (qui vont au-delà des seuls réseaux sociaux).
Par ailleurs, le SIG doit veiller à ce que les ministères et les organismes publics qui en dépendent appliquent effectivement cette charte et rendent accessibles leurs publications faites sur les réseaux sociaux.
Sociétés spécialisées en accessibilité numérique
Il nous apparaît hautement souhaitable que, dans le cadre de leurs prestations de conseil, les sociétés spécialisées en accessibilité numérique :
- insistent sur le fait que les publications sur les réseaux sociaux sont soumises à l‘obligation d’accessibilité ;
- incitent leurs clients à en faire explicitement mention dans leur schéma pluriannuel de mise en accessibilité ;
- inscrivent dans ce schéma les actions de sensibilisation à l’accessibilité numérique des personnels chargés des publications sur les réseaux sociaux et la mise à disposition des ressources correspondantes.
Au prix d’un petit effort, cela permettra aux organismes d’avoir un résultat positif immédiat en matière d’accessibilité numérique alors que la mise en accessibilité des sites et des applications s’étalera probablement sur plusieurs mois.
Gouvernement
Comme le défend l’association Valentin Haüy dans son plaidoyer pour l’accessibilité numérique, il est indispensable que le Gouvernement prenne l’initiative d’une révision profonde du dispositif législatif applicable à l'ensemble de l’accessibilité numérique, ce qui va bien au-delà de la seule problématique des réseaux sociaux.
Cela implique notamment :
- de sanctionner de manière spécifique le défaut d’accessibilité numérique (et non plus le seul défaut d’affichage des mentions relatives à l’accessibilité) ;
- de mettre en place une autorité de contrôle et de sanction dotée de moyens pour agir.
Il est à noter que, à partir du moment où les défauts d’accessibilité seraient sanctionnés, il ne serait peut-être plus nécessaire d’avoir une déclaration d’accessibilité les concernant.
Auteur : Christian VOLLE
Vous pouvez réagir à cet article en envoyant un courriel à accessibilitenumerique@avh.asso.fr
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