Droit de réponse à l’article « Petits et gros arrangements avec le RGAA — des audits de conformité difficiles à obtenir et bien peu conformes »

L'essentiel

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  • Le 9 juillet 2021 a été publié l’article « Petits et gros arrangements avec le RGAA – des audits de conformité difficiles à obtenir et bien peu conformes ». Le 29 novembre 2021, Access42 nous a fait parvenir un droit de réponse à cet article. C’est ce droit de réponse qui est publié in extenso dans le présent article

Contexte de ce droit de réponse

Le 9 juillet 2021, le Certam a publié sur son site web l’article « Petits et gros arrangements avec le RGAA — des audits de conformité difficiles à obtenir et bien peu conformes », en ligne à l’adresse suivante : https://certam-avh.com/fr/dossiers-thematiques/petits-et-gros-arrangements-avec-le-rgaa-des-audits-de-conformite-difficiles

Or, cet article contient des assertions qui mettent en cause la probité et le professionnalisme d’Access42, mais aussi ceux de ses auditeurs et auditrices spécialisées.

Après un examen attentif, nous considérons que ces assertions sont entachées d’incompréhensions, d’approximations et de jugements qui pourraient amener le lecteur ou la lectrice à se faire une opinion faussée.

Ce droit de réponse a donc pour vocation à rétablir les faits et donner tous les éclairages nécessaires pour corriger les erreurs commises par l’auteur de l’article, M. Christian Volle.

Contexte de l’article

L’article fait partie d’un dossier thématique sur « L’accessibilité du web et de ses contenus » constitué de quatre articles, dont il est le troisième.

Dans cet article, l’auteur se propose d’analyser cinq audits pour trois entités. Les documents sur lesquels porte son analyse sont des rapports et des grilles de relevés qui lui ont été transmis en application de la réglementation sur le droit d’accès aux documents administratifs.

Chaque audit a fait l’objet d’une vérification sur trois points principaux :

  • l’utilisation des exemptions ;
  • l’utilisation des dérogations pour charge disproportionnée ;
  • la vérification du niveau de conformité calculé.

Pour plus de lisibilité, nous avons choisi de regrouper nos observations pour chacun de ces trois points.

Enfin, nous n’aborderons que les problèmes relevés sur les audits effectués par Access42 :

  • l’audit du site legifrance.gouv.fr ;
  • l’audit du site transformation.gouv.fr ;
  • l’audit du site economie.gouv.fr de décembre 2020 ;
  • l’audit du site ccomptes.fr de la Cour des comptes.

Exemption des contenus de tiers

Pour tous les audits, l’auteur considère que les exemptions pour des contenus de tiers ne respecteraient pas le cadre réglementaire et les conditions d’applications du RGAA.

Cela concerne :

  • pour Légifrance : un outil utilisé par le site pour permettre aux utilisateurs de donner leurs avis ;
  • pour transformation.gouv.fr : un lecteur vidéo, un gestionnaire de formulaire et un gestionnaire de cookie ;
  • pour economie.gouv.fr : des documents bureautiques, un système « Picto Access », un « tableau de bord virtuel », un chatbot.

L’argument est toujours le même : dans tous les cas, l’auteur considère qu’il existe des solutions accessibles équivalentes pour produire les contenus exemptés ou que ces dispositifs pourraient faire l’objet d’un développement spécifique directement pris en charge par l’organisme concerné.

Il en conclut :

« Il est donc totalement injustifié que l’audit revendique une exemption pour ces composants ; ils doivent impérativement être réintégrés dans le champ de l’évaluation de la conformité au RGAA. »

Si cette position est tout à fait respectable, il faut néanmoins noter que les arguments utilisés ne constituent en aucun cas des conditions d’application du RGAA. En effet, le RGAA ne précise pas que l’exemption est conditionnée au fait qu’il n’existe pas de solution alternative accessible ou qu’il soit démontré que l’organisme ne peut pas développer, par ses propres moyens, une solution équivalente.

Il est donc abusif de considérer que ces contenus de tiers doivent être « impérativement réintégrés dans le champ d’évaluation de la conformité au RGAA ».

Sur ce point, l’auteur de l’article fait une erreur en tenant pour acquises des interprétations qui lui sont personnelles et qui ne s’appuient pas sur une disposition du cadre réglementaire ou un point de jurisprudence.

Dérogation pour charge disproportionnée

Absence d’alternative à des contenus dérogés pour charge disproportionnée

Pour les audits des sites legifrance.gouv.fr et transformation.gouv.fr, l’auteur de l’article estime que le recours à une dérogation pour charge disproportionnée est injustifié.

Cela concerne :

  • les textes de loi pour le site de Légifrance ;
  • des documents au format PDF pour le site transformation.gouv.fr.

L’argument utilisé s’appuie sur une disposition du RGAA :

« À noter : si le contenu soumis à dérogation pour charge disproportionnée ne propose pas d’alternative numérique accessible, les critères concernant ce contenu sont considérés comme applicables. »

Si la citation est exacte, elle est néanmoins insuffisante. En effet, le RGAA donne une définition de la dérogation pour charge disproportionnée. Celle-ci précise que :

« Les contenus ou les fonctionnalités qui ne sont pas rendus accessibles en raison d’une dérogation pour charge disproportionnée sont accompagnés d’une alternative permettant à l’utilisateur d’accéder à des contenus ou fonctionnalités équivalentes, tant que la production de cette alternative ne constitue pas elle-même une charge disproportionnée. »

Il est donc tout à fait possible de trouver sur un site ou une application des contenus dérogés pour charge disproportionnée qui ne sont pas accompagnés d’une alternative.

Comme pour la dérogation, il est donc abusif de dire que l’exemption invoquée est « contraire aux dispositions du RGAA » puisque celui-ci permet bien, dans certains cas, d’avoir des contenus dérogés qui ne sont pas accompagnés d’une alternative.

Dérogation injustifiée dans le cadre du processus de labellisation e-accessible

Le troisième cas concerne le site de la Cour des comptes. Celui-ci a suivi, de juillet 2019 à février 2020, le processus de labellisation e-accessible, géré par la Dinum auquel le RGAA 3 2017 servait de cadre de référence.

La dérogation concerne les documents proposés au format PDF.

L’auteur de l’article estime que la dérogation déclarée par la Cour des comptes dans ce cadre est injustifiée.

Deux arguments sont utilisés pour appuyer cette position :

  • d’une part, le fait que parmi les documents dérogés, se trouvent des documents de plus de deux ans ;
  • d’autre part, que ces documents ne peuvent être dérogés sans une alternative étant donné qu’ils font partie de la mission principale de la Cour des comptes.

Dans les deux cas l’auteur de l’article interprète correctement les dispositions du RGAA 3 2017.

La dérogation a été malgré tout accordée, comme le précisent les documents associés au processus. Or, cette décision est présentée par l’auteur de l’article comme la conséquence d’une incompréhension ou du refus d’appliquer les dispositions du RGAA 3 2017 par l’expert·e ayant réalisé l’audit :

« Ces écrits sont révélateurs soit d’une mauvaise compréhension des dispositions exactes du RGAA 3 2017, soit du refus de les appliquer. »

On ne peut qu’être particulièrement surpris de la suspicion que fait peser l’auteur de l’article sur la probité de l’auditeur ou de l’auditrice et au-delà, de l’ensemble des personnes impliquées dans le processus de labellisation.

Cette accusation est grave : l’auteur de l’article accuse les personnes concernées d’avoir refusé d’appliquer la loi, donc d’avoir commis un délit, sur la seule foi de sa propre analyse, sans que les personnes mises en cause n’aient été contactées pour faire valoir leur propre position.

Cependant, le processus de labellisation e-accessible s’appuyait sur le RGAA 3 2017 comme cadre de référence, mais disposait de son propre cadre d’application. Par exemple, le label utilisait 5 niveaux de labellisation alors que le RGAA 3 2017 ne contenait que trois niveaux de conformité.

On ne peut donc pas s’appuyer uniquement sur l’application du RGAA 3 2017 pour juger de la pertinence de tel ou tel dispositif utilisé au cours du processus de labellisation.

Autrement dit, un site pouvait être labellisé tout en étant en dehors de l’application du cadre réglementaire.

Chaque candidature était suivie par un comité de labellisation qui avait une mission de suivis, de pilotage et d’arbitrage.

Par ailleurs, le label e-accessible n’avait pas comme première vocation de vérifier que le site labellisé était conforme au RGAA 3 2017. 

Il s’agissait de proposer un cadre parallèle destiné à favoriser la prise en compte de l’accessibilité numérique. Le processus de labellisation disposait de son propre cadre d’application, géré par le comité de labellisation qui avait toute autorité pour accepter ou refuser des dérogations. 

On peut noter également que le processus de labellisation e-accessible prévoyait des dispositifs beaucoup plus restrictifs que le cadre réglementaire, comme la lettre d’engagement, la nomination d’un référent ou d’une référente ainsi que l’obligation d’audit annuel et de visites de contrôle qui ne faisaient pas partie du cadre réglementaire.

En résumé, en ne voyant dans le processus de labellisation e-accessible qu’une simple opération de vérification de la conformité d’un site au RGAA, l’auteur de l’article fait une erreur qui le conduit à émettre des opinions et des accusations totalement infondées.

Niveaux de conformité surévalués

Pour chaque audit, l’auteur de l’article relève de multiples erreurs ayant pour conséquences de fournir un taux de conformité sensiblement surévalué.

Pour certains audits, l’auteur propose aussi de recalculer le niveau de conformité au moyen de corrections effectuées par ses soins.

Site Légifrance

L’auteur note que dans le relevé, à de multiples reprises, un statut « C » est accompagné de commentaires qui indiquent pourtant un non-respect du critère.

Il en déduit que l’auditeur ou l’auditrice a multiplié les erreurs et qu’en conséquence le taux de conformité est sensiblement surévalué. Il propose donc une version de la grille corrigée qui fait apparaître un taux de conformité plus bas.

Que s’est-il passé en réalité ?

La grille de relevé récupérée par l’auteur de l’article est une grille de relevé à l’état de recette, donc après correction des non-conformités relevées lors de l’audit initial.

Les commentaires des non-conformités initiales ont été conservés pour des raisons techniques de suivis des corrections et de contrôle éventuel des non-régressions. Cette pratique n’est pas systématique, mais elle est assez habituelle.

La correction de la grille effectuée par l’auteur de l’article a donc remis celle-ci dans l’état de l’audit initial.

Il est donc parfaitement faux de dire qu’il s’agit d’erreurs commises par l’auditeur ou l’auditrice et que le taux de conformité est surévalué.

Nous confirmons donc que toutes les données dans la grille originale sont exactes et que l’opération de correction effectuée par l’auteur de l’article est inutile et sans fondement.

Site transformation.gouv.fr

Pour ce cas, c’est l’absence d’alternative aux contenus dérogés qui est utilisée pour justifier les erreurs relevées sur la grille de relevé.

Lors de son opération de correction, l’auteur de l’article passe tous les critères notés « NA » sur des contenus dérogés en « NC », ce qui a pour conséquence de modifier le taux de conformité calculé.

Pourtant, nous avons démontré que l’absence d’alternative à un contenu dérogé est possible et ne constitue pas nécessairement un défaut d’application du RGAA 4.

En conséquence, nous confirmons que toutes les données présentes dans la grille originale sont exactes et que l’opération de correction effectuée par l’auteur de l’article est inutile et sans fondement.

Site economie.gouv.fr

Comme pour le site précédent, l’auteur de l’article affirme que le recours à des exemptions injustifiées et des dérogations sans alternative donne lieu à des erreurs soulevées dans la grille de relevé.

Or, nous avons démontré d’une part que le recours à ces exemptions est possible, d’autre part que l’absence d’alternative à des contenus dérogés ne constitue pas nécessairement un défaut d’application du RGAA.

En conséquence, nous confirmons que toutes les données dans la grille originale sont exactes et que l’opération de correction effectuée par l’auteur de l’article est inutile et sans fondement.

Site de la Cour des comptes

L’auteur relève deux éléments qui l’amènent à considérer que le taux calculé aurait été surévalué et que le site de la Cour des comptes n’aurait jamais dû recevoir le label e-accessible niveau 5.

Le premier argument consiste à dire que l’échantillon ne serait pas représentatif parce qu’il ne comprendrait pas de pages contenant des fichiers PDF en téléchargement.

Le constat est réel, mais s’explique par la dérogation acceptée pour les documents PDF : il aurait été inutile de mettre dans l’échantillon des pages contenant des contenus dérogés.

Le second argument est fondé sur des erreurs d’évaluation.

Tout d’abord, une première erreur est relevée sur une hiérarchie de titrage jugée non conforme :

« Ainsi, pour le rapport public annuel 2019, le plus récemment mis en ligne lors de l’audit, le critère 9.1.2 relatif à la pertinence de la hiérarchie des titres n’est absolument pas respecté puisque la hiérarchie commence avec un titre h2 suivi d’un titre h1. Ce défaut se retrouve sur d’autres pages. »

S’il est naturellement possible de relever des problèmes liés à la hiérarchie du titrage, il faut noter que le RGAA 3 2017 ne réclamait pas que la hiérarchie du titrage commence par un titre de niveau 1. Le choix qui a été fait dans l’exemple relevé consiste à utiliser un titre de niveau 1 pour le titre le plus important de la page, ce qui est parfaitement conforme avec le RGAA.

La seconde erreur relevée concerne ensuite un problème de contraste qui est avéré, mais qui concerne une page qui ne fait pas partie de l’échantillon. L’auteur justifie de relever cette non-conformité au prétexte que cette page aurait dû faire partie de l’échantillon sans toutefois le justifier.

Dans les deux cas, les contestations ne sont pas recevables : en effet, la première n’est pas une non-conformité au RGAA. Quant à la seconde, elle est motivée par un avis sur l’échantillonnage qui est très discutable.

En conséquence, nous confirmons que toutes les données dans les différents documents du processus de labellisation sont exactes et nous ne voyons aucune raison recevable pour considérer qu’il y a eu défaillance de l’auditeur ou de l’auditrice.

Utilisation d’un « mauvais » modèle de grille d’évaluation de la conformité

Enfin, à trois reprises l’auteur met en avant le fait que les grilles d’évaluation utilisées pour les opérations de contrôles des critères seraient basées sur un mauvais modèle de grille.

Il note, en se référant sans doute aux dates de création des fichiers, que ces modèles seraient des modèles utilisés pour le RGAA 3 et mis à jour pour le RGAA 4.

Ce qui est factuellement exact.

Utiliser un modèle de grille mis à jour pour le RGAA 4 n’a aucune conséquence sur l’application technique des critères et sur la saisie de leurs statuts, qui sont identiques entre les versions 3 2017 et 4 du RGAA.

L’auteur note ensuite que le modèle de grille utilisée ne comprendrait pas les mentions relatives aux statuts, notamment pour le statut « NA » :

« NA : NON APPLICABLE. Ou bien aucun élément dans la page ne concerne le critère, ou bien le seul contenu qui concerne le critère est exempté, ou bien le seul contenu qui concerne le critère est soumis à dérogation et il propose une alternative numérique accessible. »

Ce qui est factuellement exact.

Néanmoins, il faut noter à ce sujet que les documents mis en ligne par la Dinum dans le « kit d’audit » officiel le sont à titre de ressources, mais n’ont aucune valeur normative. Par ailleurs, leur utilisation n’est pas obligatoire. De plus, il n’existe aucune directive quant à la documentation technique d’un audit.

La seule exigence concerne le modèle de déclaration d’accessibilité. Les rapports d’audit, grilles de relevé ou tout autre document technique ne font l’objet d’aucune obligation déclarative.

Il n’y a donc pas de « bon » ou de « mauvais » modèle de grille de relevé : c’est un document de travail essentiellement destiné à faciliter la réalisation d’un audit.

Ainsi, nous ne comprenons pas en quoi l’absence de ces mentions sur les grilles de relevés utilisées pourrait avoir une quelconque conséquence sur l’application technique de l’audit, qui n’est encadré que par les différentes dispositions du RGAA.

Conclusion

L’article « Petits et gros arrangements avec le RGAA — des audits de conformité difficiles à obtenir et bien peu conformes » publié par le Certam aborde quatre problèmes relevés lors des opérations d’analyse et de vérification menées par son auteur : les exemptions, les dérogations pour charge disproportionnée, les erreurs d’évaluation conduisant à des taux de conformité jugés surévalués ainsi que l’utilisation d’un « mauvais » modèle de grille de relevé.

L’auteur de l’article conclut que ces quatre problèmes ont conduit à des audits systématiquement erronés et, pour un cas au moins, qu’il pourrait s’agir d’une volonté délibérée de s’affranchir du cadre réglementaire.

Toutefois, nous avons démontré que la plupart des arguments utilisés à l’appui des affirmations de l’auteur sont soit infondés, soit le résultat d’une interprétation personnelle du cadre réglementaire, soit encore de mauvaises compréhensions.

Nous confirmons donc l’exactitude de toutes les informations contenues dans les documents associés aux audits et ne voyons aucune raison de les modifier ou de considérer qu’elles seraient la démonstration d’une application erronée du RGAA.

En outre, nous considérons que les opérations de correction des grilles de relevés sont fondées sur des erreurs d’interprétation et qu’en conséquence les taux de conformité recalculés sont erronés.

Enfin, nous affirmons que les expert·es mis en cause, parfois gravement, ont toutes et tous réalisé leur travail avec probité et professionnalisme.

Au-delà de ce constat, nous ne pouvons que regretter la démarche employée qui se révèle être exclusivement à charge.

En particulier, nous ne comprenons pas pourquoi, au vu de l’importance des accusations portées, l’auteur n’a pas tenté de nous contacter pour obtenir des explications.

Ces explications auraient été faciles à obtenir et lui auraient sans doute permis de mieux comprendre le contexte de chaque audit et d’éviter de fonder ses opinions, affirmations et accusations principalement sur des erreurs d’interprétation.

Autrice : Access42